L’avenir de l’IA face à son empreinte carbone : un défi de taille
La question de l’empreinte carbone de l’intelligence artificielle (IA) est devenue cruciale dans le débat sur la durabilité. Pour Dejan Glavas, directeur de l’AI for Sustainability Institute, la réponse réside dans l’optimisation de l’IA.
Créé il y a un an à l’ESSCA, l’AI for Sustainability Institute a pour mission de découvrir comment l’IA peut contribuer à la décarbonation et à la protection de l’environnement. Ce centre de recherche regroupe une vingtaine de scientifiques de divers horizons, ainsi que des personnalités du monde de l’entreprise, afin d’orienter les recherches appliquées. Cette initiative s’inspire du rapport de 2018 sur l’IA de Cédric Villani, qui soulignait déjà le potentiel de l’IA pour la protection de la nature.
Les recherches de l’institut ont démontré l’efficacité de l’IA dans la prévision des émissions de CO2. Par exemple, un modèle d’IA a été formé pour estimer les émissions de CO2 des États entre 2010 et 2015, surpassant les modèles traditionnels. Cependant, l’IA elle-même est critiquée pour son empreinte carbone.
La consommation énergétique des centres de données, qui alimentent l’IA, est un problème majeur. Selon l’Agence internationale de l’énergie (IEA), ces centres représentaient 2 % de la consommation mondiale d’électricité en 2022, avec une augmentation prévue d’ici 2026. L’entraînement de modèles comme ChatGPT émet des centaines de tonnes de CO2, et leur utilisation consomme beaucoup plus d’énergie que les recherches classiques sur Internet.
En outre, les centres de données nécessitent une quantité importante d’eau pour leur refroidissement. En 2022, les besoins en eau des centres de Google, Microsoft et Meta étaient estimés à 2,2 milliards de mètres cubes par an, et cette demande devrait encore croître, exacerbant les tensions en période de sécheresse.
L’approvisionnement en métaux rares, essentiels pour les semi-conducteurs des centres de données, est également préoccupant. La production future de ces métaux devra surpasser celle accumulée depuis l’Antiquité. Les principales réserves se trouvent en Chine, au Viêt Nam, en Russie et au Brésil, alors que l’Europe n’en possède pas. Cela crée des retards dans la construction de nouveaux centres de données.
Pour que les avantages de l’IA ne soient pas éclipsés par son impact environnemental, il est impératif de se concentrer sur l’optimisation. Il s’agit de passer d’une IA axée sur la précision à une IA axée sur l’efficience. Au lieu de toujours rechercher le modèle le plus puissant, les entreprises doivent se demander si un réseau de neurones est nécessaire pour des tâches simples. L’avenir appartient aux modèles plus légers, qui minimisent la consommation énergétique tout en maximisant la précision, pour des raisons à la fois écologiques et économiques.
Cette évolution peut être comparée aux débuts de l’informatique, où de grands ordinateurs sont devenus des appareils compacts. Des innovations comme les Small Language Models et l’optimisation des réseaux de neurones avec des algorithmes de type KAN montrent la voie. Une fois ces objectifs d’optimisation atteints, l’IA pourra véritablement contribuer à réduire notre empreinte carbone, à s’adapter au changement climatique et à ouvrir de nouvelles perspectives dans les sciences du climat.