Economie

Les Business Angels à la Tunisienne : La SIBA comme approche pragmatique

Par Jalel Ben Romdhane

En Tunisie comme ailleurs, une start-up démarre grâce à des derniers et du travail apporté par les fondateurs, une aide d’un incubateur ou un petit subside public toutes proportions gardées).

Quand elle passe à la vitesse supérieure, il faut trouver d’autres sources de financement qui est un obstacle majeur dans notre écosystème (perception des acteurs et effectivement).

Nous vivons une période où le financement bancaire, indépendamment du « resserrement », n’est plus du tout en phase avec les besoins des startups.

Les startups et leurs fondateurs ont besoins d’apports financiers et en nature avec une souplesse dans les conditions (déblocage rapide), des délais longs (niveau d’attente très bas en termes de rentabilité et acceptation d’un risque de perte) et sans trop de procédures (due diligence, contrats, etc.), souvent au titre de soutien (love money).

Depuis quelques années, on voit naître des initiatives pour développer un financement en capital et quasi-fonds propres : grants, crowdfunding, prêt d’honneur, VC ou encore capital apporté par des Business Angels.

Nous nous sommes « habitués » au capital risque Le Business Angel se distingue des acteurs de capital-risque par le fait qu’il agit avec son propre argent.

Son objectif est de réaliser une plus-value mais pas seulement, il cherche aussi à contribuer à l’entrepreneuriat : Il est offreur de conseils et ouvre son carnet d’adresses aux start-up dans lesquelles il investit, tout cela dans le cadre d’une relation personnelle mais aussi formalisée.

Le Business Angel investit dans une participation minoritaire au capital de la startup (entre 10% et 30%), cherchant en priorité une situation d’où il peut influer (siège d’administrateur, position dans les comités, etc.), avec un horizon de 3 à 7 ans.

Le désengagement se fait généralement suite à une revente des parts, avec une plus-value ou des pertes si la start-up a échoué…

Le business angel est donc souvent un investisseur de premier cycle, qui investit en solo ou en groupe dans le cadre de réseaux.

L’investissement est individuel mais il peut se faire dans le cadre d’un véhicule collectif.

Les réseaux existent en Tunisie depuis environ une décennie, sans qu’une identité juridique distincte, à la personne et aux véhicules ne soit « légiférée ».

Ce constat s’appuie sur le fait que :

1- Nous avons une culture de la « loi », tout doit être réglementé par écrit ;

2- Les investissements sont généralement à une autorité de contrôle (CMF, AMF, BCT, etc.) ;

3- La culture et la sociologie de « l’argent ».

De facto, le Business Angel n’a pas de statut juridique et fiscal spécifique, tandis que les clubs et réseaux sont régis par le droit commun.

Un quick win serait de permettre l’émergence des Sociétés d’Investissement de Business Angels (SIBA), qui existent dans beaucoup d’autres pays.

Le cadre législatif serait la Loi n°88-92 et les textes subséquents, Art. 21 et suivants.

Le corpus étant établi, la SIBA pourrait être opérationnelle rapidement et viendrait conforter les actions visant à créer des réseaux et des clubs.

La SIBA aurait pour finalité de mettre en commun entre plusieurs personnes physiques appelées Business Angels pour réaliser et/ou compléter leurs investissements individuels.

Elle a pour objet la détention de participations et a en capital les sommes versées par les personnes physiques Business Angels qui seront ensuite investies dans une ou plusieurs entreprises et ce, en un ou plusieurs fois (parfaitement assimilable à une SICAR).

Cette création/extension permettrait :

• De « Rassurer » les individus wanna be Business Angels ;

• Le regroupement des Business Angels sur dans des entités fiscalement transparentes, sans perdre le bénéfice du régime IRPP individuel (investissements exonérés) ;

• De grouper les compétences de l’équipe de gestion et des Business Angels dans la gestion des phases de due diligence, closing et l’exit ;

• D’assurer un lien institutionnel avec les autres acteurs de l’equity, comme les acteurs du capital risque (SICAR & FCPR) locaux et régionaux ;

• D’assurer une transparence et une redevabilité (CMF) tout en mettant en place des bonnes pratiques pour protéger les intérêts des parties ;

• Le contrôle par le régulateur.

La structure juridique du type SIBA permet aussi de centraliser les fonds, d’accélérer et automatiser les procédures et de diversifier le portefeuille de participation individuel en participant à plusieurs opérations de levée de fonds.

Cela permettra aux investisseurs de placer dans plusieurs startups et réduire leur risque de tout perdre (vs augmenter les chances de plus-values).

Cela permet aussi d’investir des plus gros montants dans les start-ups, de peser plus dans la gouvernance et la décision et d’accéder à des tickets plus importants dans des entreprises plus matures.

Plus loin, il s’agira d’instaurer un système complet d‘aide fiscale à l’investissement dans les startups et favoriser l’accès au capital-investissement pour une base d’investisseurs plus large, l’investisseur étant un statut juridique et fiscal à définir.

Une initiative de plaidoyer impliquant les acteurs concernés de l’écosystème serait la prochaine étape à envisager.

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