L’Afrique, nouvel eldorado des data centers en 2030 ?
Le continent africain se trouve au seuil d’une révolution numérique d’une ampleur inédite. Selon un rapport de McKinsey & Company intitulé « Building data centers for Africa’s unique market dynamics » et publié le 24 novembre 2025, la demande en centres de données devrait y être multipliée par 3,5 à 5,5 d’ici à 2030. Cette projection phénoménale contraste avec la situation actuelle, où l’Afrique représente aujourd’hui moins de 1% des capacités mondiales, dévoilant un potentiel de croissance exceptionnel pour faire du continent un futur hub du cloud et de l’intelligence artificielle.
Un marché modeste mais au potentiel colossal
Le départ est pourtant modeste. Les capacités actuelles du parc africain de data centers sont estimées à seulement 0,4 gigawatt (GW). Mais le cabinet d’études anticipe un bond spectaculaire, avec une puissance qui pourrait atteindre 1,5 à 2,2 GW d’ici la fin de la décennie. Pour soutenir cette métamorphose, des investissements massifs, compris entre 10 et 20 milliards de dollars US, seront nécessaires. En retour, cette dynamique pourrait générer entre 20 et 30 milliards de dollars de revenus sur l’ensemble de la chaîne de valeur du secteur.
Le retard initial est illustré par une comparaison frappante : les marchés les plus avancés du continent – que sont l’Égypte, le Kenya, le Maroc, le Nigeria et l’Afrique du Sud – affichent des capacités cumulées encore inférieures à celles de la France, qui disposait déjà d’environ 0,8 GW en 2024. Cet écart souligne l’immensité du chemin à parcourir, mais aussi celle des opportunités qui restent à saisir.
Les moteurs de l’explosion de la demande
Plusieurs facteurs convergents alimentent cette accélération soudaine. L’essor de technologies voraces en données, au premier rang desquelles l’intelligence artificielle, est un levier majeur. Environ 40% des entreprises africaines expérimenteraient déjà l’IA. Un déploiement à plus large échelle pourrait injecter entre 60 et 100 milliards de dollars de valeur dans des secteurs clés comme la banque, les télécoms, la distribution ou l’industrie minière.
À cet élan privé s’ajoute une puissante vague de numérisation publique. Les gouvernements multiplient les initiatives pour transformer les services publics, généraliser les identités numériques et digitaliser les administrations. La Banque mondiale, via son programme « Digital Economy for Africa » (DE4A), a d’ores et déjà lancé 70 projets dans 37 pays depuis 2019, accroissant mécaniquement les besoins locaux en stockage et en puissance de calcul.
La migration inexorable vers le cloud constitue le troisième pilier de cette croissance. Les grandes entreprises africaines prévoient une augmentation significative de leurs charges de travail hébergées dans le cloud d’ici 2030. Le secteur des technologies, des médias et des télécommunications montre la voie, avec 83% de ses charges déjà virtualisées. La finance suit le mouvement, bien qu’à un rythme plus mesuré, avec un taux de migration actuel de 56%.
Un modèle africain pour un défi africain
Face à une demande éclatée entre les pays et à des contraintes infrastructurelles persistantes, McKinsey insiste sur la nécessité de développer un modèle spécifiquement adapté au contexte local. La solution résiderait dans des data centers « petits, modulaires et progressifs ».
Alors que sur d’autres continents, les nouveaux projets affichent souvent des capacités comprises entre 50 et 500 MW, l’Afrique, elle, optera pour une approche plus graduelle. Près des deux tiers des nouveaux centres seront de petite taille (1 à 20 MW) ou de capacité moyenne (20 à 50 MW). Cette stratégie permet d’ajuster les investissements aux réalités économiques de chaque territoire et de limiter l’exposition aux risques financiers, posant les fondations d’une croissance numérique plus résiliente et inclusive.

