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Énergie verte : biomasse et éolien, la double voie de la Tunisie

En Tunisie, l’éolien et la biomasse s’imposent comme deux piliers d’un mix énergétique plus propre, capable de réduire l’empreinte carbone tout en renforçant la sécurité d’approvisionnement. L’énergie du vent permet de produire de l’électricité sans émissions nocives, tandis que la biomasse valorise des matières organiques, résidus végétaux, sous-produits animaux et déchets agricoles en sources d’énergie utiles. Miser sur ces filières, c’est diminuer la dépendance aux combustibles fossiles et soutenir une croissance économiquement viable et écologiquement responsable.

Éolien : une stratégie nationale pour accélérer la transition

Portée par un littoral méditerranéen long et venté, ainsi que par des sites favorables au Sud, la Tunisie a intensifié ces dernières années ses investissements dans l’éolien pour diversifier son bouquet énergétique. Plusieurs projets ont été lancés afin d’augmenter la part de cette électricité verte dans la production nationale, en phase avec les objectifs de développement durable et de transformation du système énergétique.

Des pionniers aux grands parcs

La démarche tunisienne remonte aux années 1990, avec l’installation de petites éoliennes destinées à électrifier des zones rurales isolées. Un cap est franchi en 2000 avec la mise en service d’une première centrale éolienne de 10 MW, équipée de turbines à haut rendement.

 Les performances enregistrées ont incité la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (STEG) à changer d’échelle.

En 2009, le pays inaugure son premier parc éolien de grande taille à Sidi Daoud, à El Haouaria (gouvernorat de Nabeul) : 55 MW de capacité pour une production annuelle estimée à 150 GWh. Dans la foulée, une deuxième étape est engagée dans le gouvernorat de Bizerte, sur les sites de Metline et Kchabta : 190 MW installés, répartis sur 143 turbines de 1,32 MW chacune.

En misant sur l’éolien, la Tunisie intensifie sa mutation énergétique

Portée par ses installations en service, la production éolienne tunisienne atteint environ 750 GWh par an, permettant d’économiser près de 153 000 tonnes de combustibles chaque année. Ce palier s’inscrit dans une trajectoire de long terme : faire passer la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité de 3 % en 2013 à 30 % à l’horizon 2030.

Selon la feuille de route nationale, la Tunisie vise une puissance installée totale de 3 725 MW d’ici 2030, dont 1 700 MW d’éolien — soit 45 % de l’ensemble des capacités renouvelables projetées.

Au-delà des chiffres, l’éolien répond à un triple impératif afin de diversifier les sources d’approvisionnement, réduire les émissions de gaz à effet de serre et stimuler l’économie par l’attraction d’investissements et le développement d’une filière locale. En misant sur un déploiement à grande échelle, la Tunisie consolide ainsi un modèle de croissance plus sobre en carbone et plus résilient.

ANME : une trajectoire de soutien à l’éolien depuis 1985

Depuis sa création en 1985, l’Agence nationale pour la maîtrise de l’énergie (ANME) pilote et facilite les programmes d’efficacité énergétique et de recours aux renouvelables. Elle a joué un rôle clé dans l’essor de l’éolien en Tunisie en structurant la filière : dispositifs institutionnels, juridiques et financiers adaptés, projets pilotes et montée en compétences des acteurs locaux. Dès les années 1980, des essais de petites éoliennes ont été menés sur plusieurs sites et pour divers usages.

Jalons techniques et territoriaux

  • 1982 — Hammam-Lif (gouvernorat de Ben Arous) / Maâmoura (Nabeul) : installation, à l’Institut national de la recherche scientifique et technique (INRST), de turbines de 1,5 kW et 4 kW destinées au dessalement et au pompage de l’eau ; électrification de deux habitations à Maâmoura grâce à de petites génératrices éoliennes de 0,6 kW.

  • 1984 — El Haouaria (Nabeul) : mise en place d’une station éolienne raccordée au réseau national moyenne tension, composée de turbines de 10 kW et 12,5 kW.

  • 1988 — Jeboussa (Nabeul) : installation de turbines de 20 kW dans le cadre d’une opération conjointe ANME–STEG–SEN.

  • 2004 — Ksar Ghilane (Tataouine) : déploiement d’une éolienne de 20 kW pour des besoins locaux.

  • 2006 — Divers sites : campagne d’essais d’éoliennes de petite puissance avec l’installation de 12 turbines et d’un système hybride.

Par cette action continue l’ANME a consolidé les bases techniques, humaines et réglementaires d’une filière éolienne tunisienne appelée à s’étendre, au service de la transition énergétique et du développement durable.

Éolien et sobriété énergétique

L’énergie éolienne s’impose comme un levier majeur de maîtrise de la demande et de réduction de l’empreinte environnementale. Source propre et renouvelable, elle diminue la dépendance aux centrales à charbon ou à gaz en substituant une électricité décarbonée aux combustibles fossiles, ce qui préserve des ressources naturelles limitées. En diversifiant le mix énergétique, l’éolien renforce la sécurité d’approvisionnement et amortit la volatilité des prix liée aux pénuries de carburants ou aux crises internationales. Les investissements dans la filière stimulent par ailleurs l’innovation et l’essor de technologies plus efficientes tout au long de la chaîne énergétique.

Les facteurs de réussite des projets éoliens en Tunisie

  • Sélection des sites & gisement de vent: La performance dépend d’une vitesse de vent régulière et suffisante. Des campagnes anémométriques et des études fines sont indispensables pour positionner les turbines sur les emplacements les plus productifs.

  • Infrastructures & raccordement: Le succès requiert un réseau électrique robuste, capable d’absorber et d’acheminer la production, ainsi qu’un raccordement efficace au réseau national pour garantir la continuité et la qualité d’alimentation.

  • Cadre public incitatif: Allègements fiscaux, soutiens financiers et procédures d’autorisation accélérées jouent un rôle déterminant pour sécuriser les projets et attirer les investisseurs.

  • Financement pérenne: Les coûts d’équipements, de génie civil, de raccordement et de maintenance exigent des mécanismes de financement stables, mobilisant partenariats public–privé et instruments de long terme.

Sur le plan économique, le développement des parcs éoliens crée des emplois dans les renouvelables, attire des capitaux vers des projets respectueux de l’environnement et soutient une croissance durable, conciliant compétitivité et préservation des ressources pour les générations futures. À ce titre, l’éolien constitue un choix stratégique pour rationaliser la consommation d’énergie et équilibrer développement et protection de l’environnement.

La Tunisie poursuit la voie éolienne malgré les obstacles techniques et environnementaux

Malgré un potentiel venteux avéré, le développement de l’éolien en Tunisie se heurte à plusieurs obstacles qu’il faut lever pour assurer une croissance durable et atteindre les objectifs nationaux en matière de renouvelables.

Réseaux sous tension: la modernisation et l’extension des réseaux de transport et de distribution s’imposent pour absorber des volumes croissants d’électricité issue des parcs éoliens et garantir la stabilité et la qualité du courant.

Équation financière exigeante: le coût élevé des équipements, des raccordements et de la maintenance, ainsi que les besoins de financement récurrents, appellent des soutiens publics ciblés et la mobilisation d’investissements privés, locaux et internationaux.

Compétences et R&D: la montée en puissance du secteur suppose de former des équipes hautement qualifiées pour l’exploitation et la maintenance, tout en renforçant la recherche appliquée afin d’optimiser les turbines et leur adaptation aux conditions locales.

Acceptabilité et environnement: les projets doivent intégrer l’urbanisme, le paysage et l’acoustique, et s’accompagner d’études d’impact sérieuses, notamment sur l’avifaune. La concertation avec les communautés riveraines demeure un facteur clé d’adhésion.

Gouvernance et cadre incitatif: une coordination fluide entre institutions publiques et opérateurs privés, adossée à des politiques et des mécanismes incitatifs transparents, est essentielle pour accélérer les calendriers et sécuriser les projets.

Malgré ces défis, la Tunisie poursuit sa trajectoire, capitalisant sur l’appui de partenaires techniques et financiers et sur l’expérience accumulée pour ancrer l’éolien dans son mix énergétique et contribuer aux objectifs de développement durable.

Qu’est-ce que la biomasse ?

La biomasse désigne l’ensemble des matières organiques issues du vivant ( plantes, animaux et déchets biodégradables)  pouvant être valorisées en énergie. Elle englobe notamment les résidus agricoles, les déchets de bois et de taille, les effluents d’élevage, ainsi que les déchets ménagers et industriels organiques.


La biomasse devient énergie par trois voies principales :

 la combustion directe, où les matières organiques sont brûlées pour produire de la chaleur, utilisée telle quelle pour le chauffage ou convertie en électricité .

La digestion anaérobie, qui, en l’absence d’oxygène, transforme la biomasse en biogaz riche en méthane, valorisable comme carburant ou pour produire chaleur et électricité .

Et les conversions chimique et physico-chimique, qui transforment la biomasse en biocarburants liquides (éthanol, biodiesel) susceptibles de se substituer aux carburants pétroliers.

La biomasse offre un levier propre pour la production d’énergie tout en réduisant les déchets et les émissions. Elle soutient la durabilité du secteur agricole par la valorisation des sous-produits, diversifie le mix énergétique et réduit la dépendance aux combustibles fossiles.

À la faveur de cette dynamique, se dessinent de nouvelles opportunités d’investissement, la création d’emplois et une accélération de la transition énergétique au service d’un développement réellement durable.

 

 

 

Bioénergie en Tunisie : une alternative durable pour la sécurité d’approvisionnement et la sobriété

Face à la hausse de la demande et à la pression des énergies fossiles, la Tunisie fait de la bioénergie un axe stratégique de maîtrise des consommations. La biomasse réduit la dépendance aux importations, améliore la gestion des déchets, crée des emplois et limite les émissions, dessinant un équilibre plus solide entre impératifs économiques et exigences environnementales.

Comme nombre de pays occidentaux et arabes, la Tunisie intègre désormais la biomasse à ses stratégies renouvelables en valorisant  des résidus agricoles dans les zones rurales, déploiement de projets de biogaz à partir des effluents d’élevage et des déchets organiques, le tout pour exploiter durablement les gisements locaux et en tirer des bénéfices économiques et écologiques tangibles.

Selon le bilan énergétique national 2017, la production d’énergie issue de la biomasse est estimée à 1 085 kilotonnes équivalent pétrole (ktep), soit 18 % de la production nationale d’énergie primaire. Environ 35 % de ces ressources de biomasse sont utilisées pour la production de charbon.

L’Agence nationale de gestion des déchets (ANGED) évalue à près de 6 millions de tonnes/an le volume de déchets organiques valorisables : 2,2 Mt de déchets ménagers, 2,2 Mt issus des exploitations agricoles et de l’agro-alimentaire, 1 Mt provenant de la trituration de l’olive, 400 000 t de l’aviculture et 200 000 t des boues d’assainissement. À ce titre, la valorisation énergétique de ces flux pourrait générer environ 1 000 GWh par an d’électricité.

À noter enfin l’émergence de premiers projets opérationnels, tels que des unités de digestion anaérobie (biogaz), notamment au sein des stations de traitement relevant de l’Office national de l’assainissement (ONAS). Autant d’initiatives qui confirment la place de la biomasse comme levier durable de sécurité énergétique et d’optimisation des usages en Tunisie.

Valorisation des déchets et développement : des projets pionniers de biomasse en Tunisie

Pour concrétiser le potentiel de la biomasse, la Tunisie a lancé plusieurs projets pilotes visant à transformer les déchets organiques en énergies propres. Au-delà de l’électricité, ces initiatives produisent biogaz et carburants verts, réduisent les émissions et améliorent la gestion des déchets. Elles offrent une démonstration tangible d’un usage durable des ressources locales et confirment l’engagement du pays en faveur de la diversification du mix et des Objectifs de développement durable.

Sfax, laboratoire national de la valorisation énergétique (mars 2022)

L’Agence nationale pour la maîtrise de l’énergie (ANME) a annoncé un partenariat avec la Municipalité de Sfax, la Société nationale de distribution des pétroles (SNDP) et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA, France) pour un projet modèle de valorisation énergétique des déchets. Une lettre d’intention encadre la poursuite des études technico-économiques, la conception du cadre institutionnel et la mobilisation des financements.

Le projet consiste à produire du gaz organique à partir des ordures ménagères afin d’alimenter des véhicules fonctionnant au gaz de pétrole liquéfié (GPL), en priorité les taxis individuels. L’ANME en souligne l’intérêt stratégique : économies d’énergie, allègement de la subvention au GPL et attrait d’investisseurs. Plusieurs bailleurs tel que BEI, BAD, AFD, Banque mondiale ont manifesté leur intention de soutien.

Quelques ordres de grandeur :

  • Les déchets ménagers annuels en Tunisie avoisinent 6 millions de tonnes, offrant un gisement susceptible d’économiser ≈ 230 ktep.

  • Objectif national : 100 MW de capacités électriques à base de biomasse d’ici 2030.

  • La gouvernorat de Sfax génère ≈ 240 000 t/an de déchets (dont ≈ 55 % organiques), aujourd’hui dirigés quasi intégralement vers l’enfouissement.

  • Le pilote (50 000 t/an traitées) pourrait produire ≈ 1,9 million m³ de méthane, équivalant à ≈ 920 t de GPL (soit ≈ 71 000 bonbonnes domestiques), pour une valeur estimée à ≈ 1,8 million de dinars.

  • À terme, ≈ 800 taxis pourraient être alimentés chaque année ; 1 tonne de déchets permettrait de parcourir au moins 2 000 km.

Sousse : première unité démonstratrice d’électricité issue du biogaz (février 2025)

Dans la délégation d’Oued Laïa (gouvernorat de Sousse), la Tunisie a inauguré la première unité pilote de production d’électricité verte à partir des gaz de décharge. Financé par le gouvernement japonais, en partenariat avec ONU-Habitat, l’ANGED et le ministère de l’Environnement, le projet vise environ 50 kW de puissance et bénéficiera à près de 500 familles.

Au-delà de l’apport énergétique local, cette unité cible la réduction du méthane émis par les déchets, la diminution des nuisances environnementales, la promotion d’une économie circulaire et la contribution à la réduction du déficit énergétique.

Biomasse : la voie tunisienne vers une énergie durable et des opportunités renouvelées

En Tunisie, les projets de biomasse traduisent une ambition claire consistant à  exploiter durablement les ressources locales et renforcer la sécurité énergétique. En convertissant les déchets en électricité et en biogaz, ces initiatives réduisent les émissions, protègent l’environnement, stimulent l’emploi et soutiennent l’économie des territoires. À mesure que les infrastructures se modernisent et que les investissements s’intensifient, la Tunisie peut s’imposer comme référence régionale en matière de renouvelables, confirmant son engagement pour le développement durable et la transition écologique.

Des défis à lever pour changer d’échelle

Malgré un potentiel considérable, la filière reste freinée par :

  • une infrastructure insuffisante pour traiter les flux de déchets et les convertir en énergie avec un haut rendement.

  • l’absence de mécanismes de financement clairs et pérennes, alors que les unités de conversion exigent des capex élevés .

  • un cadre législatif et réglementaire encore perfectible pour sécuriser les investisseurs et optimiser l’usage des gisements organiques.

À ce jour, peu d’unités de digestion anaérobie (digesteurs) ont été mises en service, la plupart concentrées dans les stations d’épuration relevant de l’Office national de l’assainissement (ONAS).

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