Tunisie : les 3 millions de tonnes du défi ! (Vidéo)
Chaque année, près de 3 millions de tonnes de déchets s’accumulent en Tunisie, un chiffre qui illustre l’urgence écologique et sanitaire que traverse le pays. Derrière ce volume se cache une chaîne de traitement fragile, tiraillée entre des pratiques informelles ancestrales, des initiatives ponctuelles et l’absence criante d’une stratégie nationale structurée.
Le parcours chaotique des déchets
Le processus commence dans les rues, où les municipalités assurent la collecte des ordures ménagères. Vient ensuite l’étape de l’enfouissement, du transfert vers des centres de recyclage ou, ultime recours, leur arrivée dans des décharges de traitement. Mais avant même le passage des camions officiels, une autre collecte, invisible et pourtant essentielle, a lieu celle des « Barbacha ». Ces récupérateurs informels arpentent les quartiers, trient les poubelles à la recherche de plastique, de carton ou de métal, qu’ils revendent ensuite à des centres de recyclage. « Leur rôle est paradoxal », explique Wassim Chaabane, expert en gestion des déchets. « D’un côté, ils participent à réduire la quantité de déchets enfouis et à valoriser des matières premières. De l’autre, leur activité échappe à tout cadre sécurisé, sanitaire ou fiscal. »
L’échec du tri à la source
Si certains hôtels et établissements tentent de mettre en place un tri sélectif, ces initiatives restent marginales. Le véritable nœud du problème, selon Wassim Chaabane, réside dans l’absence généralisée de tri à la source.
« En Tunisie, le geste de tri chez les ménages ou les entreprises n’est pas encore entré dans les mœurs. Les infrastructures manquent, la sensibilisation est faible et les mécanismes de suivi sont quasi inexistants. Résultat : des centres de traitement submergés, un recyclage inefficace et une pollution qui s’aggrave. »
Plusieurs facteurs expliquent ce retard : manque de volonté politique, budget limité, absence de filières organisées de valorisation et défiance des citoyens. « Sans tri à la source, le système ne peut pas être performant. On ne peut pas gérer 3 millions de tonnes de déchets de manière artisanale ou partielle. »
Face au chaos des déchets qui submerge la Tunisie, le constat est sans appel. Le pays est pris en tenaille entre une urgence écologique grandissante et un système de traitement défaillant, où l’initiative informelle des « Barbacha » compense, non sans paradoxe, les carences d’une stratégie nationale absente.
Le diagnostic posé par l’expert est clair, tant que le tri à la source ne sera pas érigé en priorité nationale et intégré dans les habitudes des Tunisiens, toute amélioration restera illusoire. La solution ne réside pas dans des actions ponctuelles, mais dans la construction d’une filière structurée, portée par une volonté politique ferme, un budget dédié et une campagne de sensibilisation massive.
Le défi est de taille, mais l’inaction a un coût bien plus élevé, tant pour la santé des citoyens que pour l’avenir environnemental du pays. Gérer 3 millions de tonnes de déchets demande plus que des rustines, cela exige une refonte complète du système, où chaque maillon, de la maison au centre de traitement, deviendrait enfin un acteur d’une économie circulaire à inventer.

