Environnement

Transition énergétique : la Tunisie parie sur la voiture électrique

À mesure que s’intensifient les inquiétudes internationales face aux effets du changement climatique et à la crise énergétique, les appels à des solutions de mobilité durable se multiplient. Dans ce contexte, la voiture électrique s’impose comme un choix stratégique capable de faire la différence.

La Tunisie avance résolument vers l’adoption de solutions innovantes pour réussir une transition durable, à l’heure où se renforcent les défis énergétiques et environnementaux. Parmi ces leviers, le passage à l’électromobilité apparaît comme une option prioritaire : il permettrait de réduire le déficit énergétique, de limiter les émissions nocives et d’accélérer la modernisation du secteur des transports.

Le transport figure, en effet, parmi les secteurs les plus énergivores et les plus contributeurs aux émissions de gaz à effet de serre en Tunisie. Avec l’aggravation des pressions environnementales et énergétiques, il devient impératif de repenser ce secteur clé afin d’atteindre les objectifs de durabilité, de résorber le déficit énergétique et de combattre la pollution climatique.

Les ventes mondiales de voitures électriques ont atteint 2,3 millions d’unités en 2020, soit une hausse de 40 % par rapport à 2019  (quatre fois plus qu’en 2015). La dynamique ne faiblit pas : les immatriculations de véhicules particuliers électriques devraient grimper à au moins 14 millions en 2025, tandis que certaines projections estiment que leur part pourrait frôler 90 % dans plusieurs grands marchés à l’horizon 2040.

Cette poussée ne se limite pas à l’automobile. D’autres catégories de mobilité à batteries gagnent rapidement du terrain : environ 25 % du parc mondial de deux-roues en circulation fonctionne déjà à l’électricité, et ce taux est appelé à progresser fortement au cours de la prochaine décennie. Au total, les deux et trois-roues électriques représentent près de 300 millions d’unités à l’échelle du globe.

Dans le transport public, l’essor est tout aussi marqué : le parc de bus électriques nouvellement enregistrés a augmenté de 10 % en 2020 par rapport aux deux années précédentes. Aujourd’hui, on recense près de 700 000 bus électriques en service dans le monde, et 12 % de ce parc actuel a été vendu rien qu’en 2021.

Au cœur de cette mutation, la voiture électrique joue un rôle structurant : elle réduit la dépendance aux carburants fossiles, abaisse les émissions et s’impose comme un pilier des stratégies de décarbonatation et de sobriété énergétique. Contrairement aux moteurs thermiques (essence ou gazole), la propulsion électrique convertit une part bien plus élevée de l’énergie stockée en mouvement utile, avec moins de pertes thermiques.

L’impact climatique est démultiplié lorsque l’électricité de recharge provient de sources renouvelables (solaire, éolien), ouvrant la voie à une chaîne de mobilité entièrement propre. Couplée à des politiques d’infrastructures comme l’implantation de bornes intelligentes alimentées par le solaire, l’électromobilité contribue à soulager le réseau, à renforcer l’indépendance énergétique et à ancrer un modèle économique vert.

Dans le sillage des orientations régionales et internationales en faveur d’un transport durable, la Tunisie a enclenché des démarches concrètes pour accélérer l’usage des véhicules électriques, sur fond de tensions liées au prix des carburants et au défi climatique.

Septembre 2023 a marqué une première avec l’inauguration, au siège de l’Agence nationale pour la maîtrise de l’énergie (ANME), de la première station de recharge alimentée par l’énergie solaire du pays. Cette installation, une première du genre, associe des panneaux photovoltaïques d’une puissance d’environ 3 kW, un système de batteries de stockage et un chargeur de 22 kW dédié aux voitures, permettant une recharge performante sans recourir au réseau classique, dans le but d’offrir un trajet 100 % vert, de la production d’électricité à son usage.

Ce pilote illustre la convergence entre mobilité propre et solaire, et s’inscrit dans une vision nationale visant à réduire les émissions, à déployer des infrastructures de recharge et à mobiliser l’investissement public-privé sur ce segment stratégique.

À plus long terme, cette dynamique doit servir de tremplin à des projets d’envergure, à commencer par la création de zones industrielles intelligentes dédiées à l’écosystème des véhicules électriques, à l’image de l’initiative « Automotive Smart City » récemment annoncée.

« Automotive Smart City » : un projet structurant qui propulse la Tunisie vers l’industrie intelligente

En août 2025, le ministère de l’Industrie, des Mines et de l’Énergie a dévoilé les grandes ambitions du projet Automotive Smart City, une ville intelligente dédiée à l’industrie automobile. À la clé, la création annoncée de 60 000 emplois et l’accélération de la transformation industrielle du pays à l’horizon 2027.

Selon Slim Ferchichi, directeur des industries métalliques, mécaniques et électriques, l’objectif est d’atteindre un taux d’intégration locale de 48 %, notamment dans la filière des véhicules électriques (VE), tout en doublant les exportations du secteur. Le ministère mise par ailleurs sur l’attractivité de cette zone intelligente pour attirer de grands investissements internationaux, en particulier dans un segment électrique en pleine expansion au niveau mondial.

Au-delà de l’effet d’entraînement attendu sur l’écosystème, le projet doit contribuer à revitaliser la filière automobile tunisienne, et plus spécifiquement le marché des VE, encore freiné par plusieurs obstacles à une diffusion de masse.

Dans la même dynamique, la Tunisie vise 130 000 véhicules électriques d’ici 2030, afin de réduire le coût des subventions consacrées aux carburants et de diminuer les émissions du transport, évaluées à environ 2,2 millions de tonnes par an. Pour soutenir cette trajectoire, la loi de finances 2022 a introduit des facilités significatives, dont l’exonération des droits de douane à l’importation des véhicules électriques.

En conjuguant politique industrielle, attraction d’investissements et incitations à la demande, la Tunisie entend positionner l’Automotive Smart City comme pivot de sa montée en gamme et levier de transition énergétique, avec l’ambition d’inscrire durablement le pays sur la carte des industries de la mobilité de demain.

Promouvoir l’usage des véhicules électriques figure parmi les axes majeurs misés par l’Agence nationale pour la maîtrise de l’énergie (ANME) pour rééquilibrer le bilan énergétique. Ce choix constitue une réponse concrète pour réduire la consommation de carburants fossiles, limiter les émissions polluantes du secteur des transports et desserrer la pression sur le mix énergétique national.

Dans cette optique, l’ANME poursuit le déploiement de sa stratégie en faveur de la transition énergétique en Tunisie : intensification des programmes d’efficacité (maîtrise de la demande), recentrage sur les énergies renouvelables et, surtout, soutien à l’adoption du véhicule électrique comme levier efficace de réduction du déficit énergétique et d’amélioration des performances environnementales.

 L’agence joue un rôle de chef de file pour structurer l’écosystème de l’électromobilité, la baisse de la pollution et des émissions  via des programmes de maîtrise de l’énergie, l’appui à l’introduction des VE sur le marché tunisien et l’encouragement des investissements publics et privés dans les infrastructures de recharge.

Dans une déclaration à la presse, Abdelhamid El-Qannouni, directeur de l’efficacité énergétique dans le transport à l’ANME et chef de projet « mobilités électriques » en Tunisie, a indiqué que le parc national compte environ 570 voitures électriques à fin avril 2025, contre 250 unités en 2024. Malgré la progression, le volume demeure modeste. L’objectif affiché est d’atteindre 125 000 véhicules électriques et 12 000 bornes publiques à l’horizon 2035, en veillant à ce que l’électricité utilisée soit d’origine renouvelable, afin de réduire les gaz à effet de serre et la pollution.

De son côté, le ministère de l’Énergie, des Mines et des Énergies renouvelables a engagé, depuis septembre 2024, l’implantation de 80 stations de recharge en partenariat avec les municipalités, pour couvrir l’ensemble du territoire. En parallèle, des cycles de formation sont lancés pour les acteurs de la filière VE et des équipements de recharge, notamment au Centre technique des industries mécaniques et électriques (CETIME) et à l’Institut national de la normalisation et de la propriété industrielle (INNORPI), ainsi qu’un programme dédié aux diplômés et aux stagiaires des centres de formation professionnelle, afin d’intégrer le métier de la recharge VE dans les cursus éducatifs et de formation.

Profitant de la TICAD 8, la Tunisie a signé deux accords de coopération avec des constructeurs japonais pour développer des partenariats dans la voiture électrique. Sur le terrain, plusieurs énergéticiens et électriciens ont commencé à installer les premiers points de recharge, jalons d’une expérimentation appelée à s’étendre. Vivo Energy a annoncé la mise en service d’un premier point de recharge rapide, d’une puissance annoncée de 50 kW, dans le cadre d’un projet prévoyant 17 bornes rapides déployées sur un an. D’autres industriels et distributeurs d’énergie ont lancé des phases initiales avec l’installation de dizaines de points dans plusieurs régions.

Côté production locale, la société tunisienne Bako Motors a fabriqué une première voiture électrique nationale à quatre roues, compacte et conçue pour les trajets urbains courts, fonctionnant à l’électricité et au solaire. Chaque charge autorise une autonomie d’environ 70 km.

L’insuffisance d’une infrastructure adaptée demeure l’un des principaux obstacles à l’intégration des énergies renouvelables au réseau de mobilité électrique. Les centrales solaires et éoliennes requièrent de vastes superficies souvent éloignées des zones denses, ce qui appelle des réseaux de transport et de distribution supplémentaires et accentue la pression sur les infrastructures existantes.

Pour dépasser ces contraintes, la planification urbaine et énergétique doit intégrer une analyse fine des sites destinés aux installations renouvelables, avec des conceptions qui garantissent l’interopérabilité avec les infrastructures actuelles et futures du secteur. La réussite passe par l’implication de l’ensemble des parties prenantes et des ministères concernés.

Au-delà des aspects techniques, les renouvelables se heurtent aussi à des freins réglementaires et juridiques distincts de ceux des filières fossiles ou nucléaire : procédures de raccordement, dynamiques concurrentielles, acceptabilité sociale, insuffisance de cadres agiles. D’où la nécessité, pour les autorités (ministères de l’Industrie, de l’Énergie, des Transports, etc.), de mieux coordonner politiques et législations en faveur des renouvelables et des objectifs de mobilité durable comme  l’adoption de textes de soutien, coordination intersectorielle (énergie, environnement, finances, collectivités locales et échelons régionaux/nationaux) et construction d’un dispositif cohérent au service d’un transport plus propre.

Le concept de mobilité vit une profonde mutation. Dans les prochaines décennies, l’électromobilité devrait en être le moteur, portée par la montée rapide des véhicules électriques, voitures, utilitaires légers, bus, deux-roues, trains, et à terme navires et avions. Cette transition n’est pas un simple choix technologique, c’est une réponse nécessaire aux défis environnementaux et économiques qui s’imposent partout. La Tunisie n’y échappe pas,  en réduisant les émissions carbone et en améliorant l’efficience du transport, l’électrique renforce la durabilité et la qualité de vie des générations futures.

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