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Spécial Argentine : Entretien avec l’Ambassadeur de l’Argentine en Tunisie S.E M. José María Arbilla

L’Ambassadeur de l’Argentine en Tunisie évoque le futur de la coopération tuniso-argentine !

La Tunisie et l’Argentine, « deux chantiers » énormes pour la coopération !

S.E M. José María Arbilla
Comment la Tunisie est-elle perçue par l’Argentine ?

Il faut peut-être distinguer entre le regard de l’opinion publique en général et le regard diplomatique, plus axé sur la politique et l’économie. En ce qui concerne l’opinion publique, je suis heureux de constater qu’il y a une sympathie spontanée et réciproque entre les Tunisiens et les Argentins. Il s’agit d’une sympathie liée à des passions communes comme le football, ainsi que des images entourées d’exotisme, dans notre cas le sable du désert et les plages ensoleillées et pour vous les espaces sauvages de la Patagonie et l’allure de la ville de Buenos Aires. 

Le regard diplomatique met l’accent sur les affinités entre deux pays en voie de développement qui sont obligés de trouver les moyens de relancer leurs économies, et qu’ont récemment entamé une transition démocratique. Il s’agit de deux chantiers énormes pour la coopération, l’échange des expériences, la promotion du commerce et des investissements. 

Il y a d’abord un travail à faire pour consolider et développer davantage l’assemblage entre les deux économies. L’Argentine comme fournisseurs des denrées alimentaires et la Tunisie comme fournisseur de phosphate et des intrants industriels comme les composants automobiles. Dans un deuxième niveau nous sommes particulièrement intéressés à augmenter la complexité des produits échangés, en privilégient les produits à forte valeur ajoutée. Par exemple les médicaments et le software. Je suis convaincu que le chemin se trouve dans le partenariat entre les sociétés argentines et tunisiennes et nous y travaillons pour les « jumeler ».

Les partenariats dont nous parlons peuvent viser aussi des marchés de pays tiers. Vos entreprises ont des liens profonds dans les pays de l’Afrique, vous connaissez le moyen orient et parlez l’arabe et le français. Nous sommes intégrés dans le MERCOSUR (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay), nous parlons l’espagnol et le portugais et nous avons un réseau très étendu et sophistiqué des accords commerciaux avec tous les pays de l’Amérique Latine.

La délivrance des visas d’entrée en Argentine sera-t-elle accélérée ?

Le nombre de demandes de visas reste plus ou moins faible, cela nous permet même avec la petite structure que nous avons à l’ambassade de gérer toutes les demandes dans un délai qui ne dépasse jamais une semaine. Nous pensons que le citoyen tunisien standard est, dans l’ensemble, très satisfait avec notre service consulaire. La plupart des visas sont à des fins touristiques mais il y a aussi des échanges culturels, techniques, académiques et de quelques hommes d’affaires.

Quelles sont vos interprétations sur le futur de la coopération bilatérale entre les deux pays ?

Je pense que l’avenir de notre relation bilatérale dépendra, en grande partie, du travail accompli conjointement aujourd’hui pour identifier les avantages mutuels à moyen et long terme. C’est dans ce sens que la coopération bilatérale prend de l’importance, car elle permet de relier et de contribuer au développement économique, politique et social de nos pays.

Bien que nous dans des zones géopolitiques différentes et éloignées, il est évident que nos intérêts se rapprochent : optimiser et diversifier nos échanges commerciaux, profiter des opportunités d’investissement, échanger les enseignements de nos expériences appliquées aux politiques sociales, enrichir la connaissance de nos riches traditions culturelles, etc.  De la même manière, cette distance géographique peut être considérée non pas comme un « obstacle » mais comme un « pont » sur lequel chacun de nos pays apporte son expérience au bénéfice de l’autre : nos entreprises et nos institutions disposent de liens solides dans toute la région du MERCOSUR et les entreprises tunisiennes possèdent un vaste réseau dans le reste de l’Afrique. Cela devrait toujours être une considération à garder à l’esprit dans nos actions.

Il existe par ailleurs des secteurs clés pour le développement des deux pays : la coopération dans l’industrie pharmaceutique, dans l’industrie alimentaire ou dans l’industrie automobile sont des exemples évidents où nos entreprises peuvent établir des liens porteurs à travers des « joint-ventures » ou de partenariats de différents types. D’un autre aspect, l’Argentine représente un fournisseur international de céréales et de biens alimentaires de qualité reconnue. Ce potentiel agro-industriel devrait être un élément essentiel des politiques de sécurité alimentaire de la Tunisie, surtout si l’on tient compte des changements climatiques dans la région du Maghreb et de son impact sur les ressources hydriques. Enfin, il faut également signaler les différentes actions que nous pouvons mener dans le domaine de la coopération technique et scientifique. Notre pays a une longue tradition d’instituts de recherche scientifique appliqués à la production technologique dans le secteur agricole dans le but de maximiser son efficacité et sa productivité, des expériences qui pourraient être bénéfiques pour la Tunisie.

Bien que le commerce soit prospère, le dialogue entre les hommes d’affaires des deux pays demeure faible. Pourquoi à votre avis ? Quelles démarches adopter pour encourager les déplacements d’affaires entre les deux pays ? Quels sont les secteurs prioritaires pour l’Argentine ?

Je pense que le principal inconvénient est le fait que les deux parties perçoivent comme un « obstacle » la distance géographique. Il y a, également, l’absence d’une connaissance approfondie des réalités productives et du potentiel économique et commercial que nos deux pays peuvent concrétiser. Cependant, cette impression peut disparaître en établissant un réseau dense de contacts sur tous les plans et dans tous les secteurs de notre relation bilatérale, et pas seulement sur le plan commercial ou économique. C’est dans cette perspective que nous travaillons depuis notre ambassade. A titre d’exemple, ces dernières années, nous avons reçu en Tunisie deux ministres argentins des affaires étrangères (en 2018 et 2021) ainsi que deux sous-secrétaires d’Etat pour les affaires politiques et économiques en (2022).

Dans le cas particulier des hommes d’affaires, certains secteurs sont prioritaires pour nous : le secteur pharmaceutique, le secteur des radars météorologiques et le positionnement de l’Argentine en tant que partenaire fiable dans le contexte des politiques de sécurité alimentaire de la Tunisie. Ce dernier point est dû à notre position de leader en tant qu’exportateur de produits alimentaires. Par ailleurs, nous identifions un potentiel dans le secteur des machines agricoles et des produits technologiques et machines pour le secteur de la transformation de la viande, ainsi que des possibilités de complémentarité dans certains domaines de l’industrie automobile et des composants automobiles (en particulier le segment de Pickups).

En outre, nous considérons qu’une mission commerciale multisectorielle d’hommes d’affaires tunisiens en Argentine pourrait être très opportune, afin qu’ils puissent voir sur le terrain les différentes opportunités d’affaires qui existent pour les produits tunisiens, et pas seulement pour les produits d’exportation classiques tels que l’huile d’olive, le phosphate ou les dattes. 

L’Argentine propose-elle des structures d’accompagnement pour les projets tunisiens d’import/export ?

 L’Argentine dispose d’un réseau de structures institutionnelles destinées à accompagner les investisseurs et les hommes d’affaires étrangers qui viennent visiter notre pays. D’une part, au sein du ministère des affaires étrangères, ils existent des entités telles que le sous-secrétariat pour la promotion du commerce et de l’investissement, qui comprend des départements dont l’objectif est l’organisation de missions commerciales, sectorielles et multisectorielles. De même, ces départements offrent des services pour l’accueil des missions commerciales étrangères et l’organisation de séminaires, de réunions B2B, G2G, road shows, etc., afin de rendre les visites le plus fructueuses possible. D’autre part, nous disposons également de l’Agence nationale pour la promotion des exportations et des investissements, sous l’égide du ministère des affaires étrangères, laquelle ne se limite pas seulement à promouvoir les exportations, mais se focalise aussi sur les PME et sur la simplification des projets d’investissement productif.

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