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Modernisation à la chinoise : regard tunisien sur un modèle et ses applications possibles

À l’heure où les équilibres mondiaux se reconfigurent, la Chine s’impose comme un laboratoire singulier de modernisation. Au-delà des chiffres de croissance, « la modernisation à la chinoise » portée par la planification publique, l’industrialisation technologique et la stabilité sociale, inspire de nombreux pays en développement.

Ce que recouvre la « modernisation à la chinoise »

La « modernisation à la chinoise » est un concept politique et de développement adopté par Pékin sous l’égide du Parti communiste chinois. Elle désigne une marche vers la modernité et la renaissance nationale en accord avec les spécificités chinoises, plutôt que la reproduction de modèles occidentaux clés en main. Ce chemin de progrès vise l’essor économique et technologique dans le respect de la singularité chinoise, sans renoncer au système politique ni aux valeurs culturelles locales.

La modernisation renvoie, plus largement, aux mutations profondes intervenues depuis la révolution industrielle : passage de la société traditionnelle à la société moderne, de la politique traditionnelle à une gouvernance moderne, de l’économie traditionnelle à l’économie contemporaine, et d’une civilisation héritée à une civilisation renouvelée. Elle infuse l’ensemble des sphères politiques, culturelles et idéologiques.

Les approches divergent toutefois. Pour les économistes, la modernisation repose sur la mobilisation des technologies par l’homme afin de maîtriser les ressources naturelles et d’accroître le revenu individuel. Pour les sociologues, elle s’apparente à un processus de différenciation entre les sociétés, que l’on appréhende par le niveau de croissance et la qualité des transformations.

De l’allocution du centenaire à l’ambition civilisationnelle : la modernisation « à la chinoise » pensée par Xi Jinping

Le président chinois Xi Jinping a décliné, à plusieurs reprises, sa vision de la « modernisation à la chinoise ». Il en a posé les jalons pour la première fois lors du discours prononcé à l’occasion du centenaire du Parti, en juillet 2021, définissant une « voie chinoise vers la modernisation » fondée sur la poursuite du socialisme aux caractéristiques chinoises et sur un progrès coordonné dans les domaines matériel, politique, culturel, moral, social et environnemental, une trajectoire présentée comme un « nouveau modèle de civilisation humaine ».

Le discours de Xi Jinping, président de la Chine, à l’occasion du centenaire du Parti en juillet 2021

Cette orientation a été érigée en cap stratégique au XXᵉ Congrès du Parti communiste chinois d’octobre 2022, lorsque le rapport présenté par Xi a fait de la réalisation du « second objectif centenaire » et du rajeunissement de la nation le cœur de mission du Parti, à travers cette voie de modernisation.

Cinq traits en ont été précisés : la modernisation d’un pays à très large population ; la prospérité partagée ; l’articulation du progrès matériel, culturel et éthique ; l’harmonie entre l’homme et la nature ; et un développement pacifique.

XXe Congrès national du Parti communiste chinois — octobre 2022.

Selon Xi, elle élargit les voies de modernisation offertes aux pays en développement et propose une « solution chinoise » dans la quête d’un ordre social plus efficace. Concrètement, l’expérience chinoise suggère des options nouvelles pour la croissance.

Ses résultats mettent en évidence la possibilité d’un développement socio-économique arrimé aux réalités nationales, chaque État pouvant choisir la trajectoire qui correspond le mieux à ses propres conditions.

Cette expérience soulève des questions essentielles d’appropriation et d’adaptation locale, alors que le rapprochement politique et économique entre Pékin et Tunis s’intensifie.

 La Tunisie, peut-elle tirer parti de certains ressorts de ce modèle pour renforcer son système de développement et accroître son autonomie dans les choix économiques et stratégiques ?

Le modèle chinois offre un référentiel dont certains éléments peuvent être adaptés aux spécificités tunisiennes. Les relations économiques sino-tunisiennes se sont renforcées, la Chine devenant un partenaire stratégique via des projets d’envergure dans les infrastructures, l’énergie, l’industrie, la technologie et la santé.

Ces initiatives soutiennent la croissance, renforcent les capacités locales et positionnent la Tunisie comme hub régional, tout en favorisant le transfert de compétences et de technologies et en promouvant la durabilité à travers des partenariats à long terme.

Elles offrent à la Tunisie l’opportunité de consolider son autonomie économique et technologique et d’ajuster son développement aux défis et opportunités présents.

Des plateformes de vente aux projets durables : la Tunisie et la Chine bâtissent l’avenir ensemble

De nombreux jeunes Tunisiens ont lancé leurs affaires en commercialisant des produits chinois : électroniques, vêtements, articles pour la maison sur diverses plateformes de vente en ligne, avant d’étendre leur activité à la représentation directe de sociétés chinoises.

●     Énergies renouvelables : Tunisie–Chine, main dans la main vers un futur propre

Ces dernières années, les relations économiques tuniso-chinoises ont pris de l’ampleur, depuis l’adhésion de la Tunisie à l’initiative des « Nouvelles Routes de la soie ». Cette dynamique a ouvert de nouvelles perspectives de coopération et fait émerger des partenariats fructueux entre entrepreneurs tunisiens et groupes chinois.


 Une jeune entreprise tunisienne du solaire s’est alliée à Huawei pour déployer des centrales d’énergies renouvelables en Tunisie. L’accord a inclus un transfert de technologie et une formation technique des équipes locales, contribuant à structurer la filière des énergies renouvelables.


 Huawei a scellé un partenariat stratégique avec l’entreprise Soteme pour soutenir des projets de transition énergétique, afin d’améliorer de la performance énergétique et l’essor de l’électricité d’origine renouvelable.

Green Power Technologie signe un accord de partenariat avec Soteme pour distribuer les solutions Huawei FusionSolar en Tunisie.

 Dans le même sillage, Green Power Technologie a conclu avec Soteme un accord de distribution des solutions Huawei FusionSolar en Tunisie. Plusieurs startups locales des « clean tech » ont également signé avec des industriels chinois du photovoltaïque et des systèmes énergétiques intelligents, portées par les incitations publiques en faveur du renouvelable.

●     Vers un avenir technologique « smart »

Huawei a multiplié les partenariats en Tunisie pour accélérer la l’innovation tel que le programme SPARK soutient les jeunes pousses dans l’IA, l’industrie 4.0 et la ville intelligente grâce à des ressources cloud gratuites, des formations techniques et un accompagnement d’experts.


 À travers Seeds for the Future et la Huawei ICT Academy, plus           de 1 000 talents et professionnels tunisiens des TIC ont été formés, avec l’ambition d’accélérer la digitalisation du pays et de créer des emplois qualifiés.

Huawei Seeds for the Future 2023 : de nouvelles opportunités.

TCL a choisi Tunis pour son premier événement régional en juillet 2025, y dévoilant ses dernières gammes « smart » notamment des réfrigérateurs, des lave-linges, des téléviseurs et bien d’autres pour le marché maghrébin et scellant des coopérations avec des acteurs tunisiens, dont la société Al Athir. L’industriel y a présenté sa vision d’une « vie intelligente » pour l’Afrique du Nord.

À l’occasion de son lancement régional en Afrique du Nord, elle révèle l’avenir de la vie intelligente.

●     Matériaux et mines : de nouvelles fenêtres d’investissement

En juillet 2025, Shandong Haiwang Chemical Co. a obtenu deux permis d’exploration de sels à Chott el-Jérid Nord (Sud-Ouest tunisien). Lors d’une rencontre entre la ministre de l’Énergie et la délégation de l’entreprise, les parties ont discuté d’investissements dans la production de sels et de matériaux miniers à forte valeur ajoutée.

Rencontre entre la ministre de l’Énergie et la délégation chinoise représentant l’entreprise.

La Chine s’empare de l’usine de Djebel Ouest

En avril 2025, l’usine de ciment de Djebel Oust a été reprise par Sinoma Cement.

Le groupe s’est engagé à une gestion locale axée sur l’efficacité des ressources, une trajectoire « verte » bas carbone, l’innovation par des technologies de pointe et la réduction de la consommation énergétique.

 Cela pour faire du site un modèle de digitalisation et de respect de l’environnement, au service de la filière des matériaux de construction et de l’économie locale dans l’esprit de l’initiative des « Routes de la soie ».

Un même mouvement se dessine partir du commerce en ligne et des circuits d’importation pour bâtir, des projets pérennes fondés sur le transfert de compétences, l’industrialisation propre et l’innovation partagée.

Entre Tunis et Pékin, la coopération gagne en densité et promet, à terme, des effets durables sur l’emploi, la souveraineté énergétique et la montée en gamme technologique de la Tunisie.

Cérémonie de passation de la cimenterie de Djebel Oust à Sinoma Cement, en Tunisie.

BYD en Tunisie : le champion chinois de l’électromobilité accélère

Le géant chinois BYD, leader mondial des véhicules électriques et des solutions d’énergies renouvelables, consolide sa présence en Tunisie à travers une série d’initiatives visant à soutenir la transition énergétique et à développer l’infrastructure dédiée à la voiture électrique.

BYD a inauguré plusieurs showrooms, notamment à Sousse, grand Tunis et Hammamet, offrant au public tunisien une immersion directe dans ses technologies électriques et hybrides. Parallèlement, le constructeur a mené des tournées de sensibilisation dans plusieurs villes, dont Sousse et Sfax, afin d’informer les consommateurs sur les bénéfices de l’électromobilité.

La marque a exprimé sa volonté d’investir en Tunisie, lors d’une rencontre entre ses représentants et la ministre de l’Industrie, les parties ont évoqué des pistes de coopération en recherche et développement, la fabrication locale de composants automobiles ainsi que des solutions de stockage d’énergie, autant de leviers susceptibles d’accélérer la montée en puissance de la filière.

Cette dynamique s’est également traduite par une reconnaissance institutionnelle : BYD a décroché en Tunisie des distinctions telles que « Meilleure marque électrique » et un « Prix d’excellence environnementale », consacrant ses efforts en faveur d’une mobilité durable et efficiente.

OPPO déploie ses innovations en Tunisie via un partenariat stratégique conclu avec Bee Tunisie

OPPO déploie ses innovations en Tunisie via un partenariat stratégique conclu avec Bee Tunisie

Le champion chinois,OPPO, renforce son empreinte avec une série de projets et d’innovations destinés à améliorer l’expérience utilisateur et à élargir la palette de services proposés sur le marché local.

Afin de renforcer  son réseau de distribution et son service après-vente, OPPO a scellé un partenariat stratégique avec Bee Tunisie, fournisseur national de services Internet et de solutions technologiques.

Cette collaboration facilite l’accès aux produits OPPO dans tout le pays et à offrir un support technique de haut niveau, garantissant proximité, réactivité et qualité d’assistance pour les consommateurs tunisiens.

En combinant l’expertise technologique d’OPPO et l’ancrage local de Bee Tunisie, cette alliance entend renforcer l’écosystème numérique en Tunisie.

Tunisie–Chine : des flux d’investissements en hausse et des objectifs ambitions

L’investissement chinois en Tunisie atteint aujourd’hui environ 30 millions de dinars, répartis sur 21 projets, avec la volonté de l’accroître à l’avenir dans la fabrication de composants automobiles.
 Au début de 2025, les exportations de la Chine vers la Tunisie se sont établies à 2,088 milliards de dinars. Les capitaux chinois se concentrent dans plusieurs zones industrielles du pays, notamment dans les secteurs de l’automobile et de l’électronique.
 Ces projets s’appuient sur la position géographique de la Tunisie et sur ses liens commerciaux avec l’Europe et l’Afrique, faisant du pays un pôle d’attraction pour les investissements chinois à venir.


 La Tunisie cherche à développer ses exportations agroalimentaires vers le marché chinois : le potentiel d’échanges laisse entrevoir 200 millions de dollars supplémentaires (soit environ 600 millions de dinars), près de quatre fois le niveau actuel des ventes tunisiennes à destination de la Chine.

Accélérer la modernisation conjointe : plan d’action pour une coopération Tunisie–Chine, arabe et africaine

Il est primordial de créer des partenariats stratégiques basés sur l’innovation et l’échange de connaissances entre pays en développement, notamment la Chine, la Tunisie et les pays arabes et africains, afin de promouvoir une modernisation concertée et une croissance inclusive.

La Tunisie pourrait renforcer sa coopération sino-africaine en développant des centres de formation et de recherche technologique pour former des compétences locales dans des filières d’avenir, tout en favorisant le co-développement industriel via le transfert de technologies et la production locale. Le lancement de fonds conjoints soutiendrait des infrastructures « intelligentes », tandis que l’entrepreneuriat serait stimulé par des concours, incubateurs et échanges pour jeunes talents.

L’harmonisation des normes, le renforcement des ponts culturels et médiatiques, ainsi que des initiatives éducatives sino-arabes-africaines permettraient de valoriser les réussites et d’intensifier la coopération régionale.





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