Economie

L’impôt sur la fortune va-t-il fragiliser l’économie tunisienne ?

L’économiste et universitaire Ridha Chkandali a exprimé, ce dimanche 2 novembre, de vives réserves concernant l’introduction d’un impôt sur la fortune dans le projet de loi de finances 2026. Lors d’une rencontre avec des députés, l’expert a qualifié cette mesure de « dangereuse », estimant qu’elle pourrait fragiliser l’économie nationale plutôt que de la consolider.

Une mesure jugée « contre-productive »

Pour le professeur Chkandali, cet impôt serait « inadapté au contexte national » et présenterait des effets pervers significatifs. Il a mis en garde contre un risque de fragmentation des patrimoines, une stimulation de l’économie parallèle et une dissuasion des investisseurs, dans un contexte où la Tunisie a urgemment besoin de relancer sa production et d’instaurer un climat de confiance fiscale.

L’économiste a rappelé que plusieurs pays avaient finalement renoncé à cet impôt après en avoir constaté les conséquences négatives sur la structure des patrimoines et le système fiscal. « Cet impôt risque d’encourager la fragmentation des biens et de pousser les épargnants à transférer leurs capitaux vers l’économie parallèle », a-t-il souligné. Il craint notamment une amplification du secteur informel, déjà conforté par la nouvelle loi sur les chèques, en raison d’une augmentation des liquidités circulant hors des circuits bancaires.

Plaidoyer pour une fiscalité incitative et équitable

En alternative, Ridha Chkandali prône une réforme fiscale plus incitative et juste. Il recommande notamment l’instauration d’un taux d’imposition dégressif sur les bénéfices des entreprises. Selon lui, cette approche encouragerait une déclaration plus fidèle des profits, réduirait la fraude et permettrait in fine à l’État d’élargir son assiette fiscale tout en stimulant la croissance.

Conjoncture internationale favorable, mais fragilités internes

Sur le plan macroéconomique, l’universitaire anticipe une conjoncture internationale globalement porteuse pour 2026, avec une baisse attendue du prix du baril de pétrole sous les 55 dollars et celle du blé tendre sous les 250 dollars la tonne.

Cependant, il alerte sur les déséquilibres structurels de l’économie tunisienne. La croissance repose encore trop sur la consommation privée, tandis que l’investissement – qu’il soit public ou privé – et les exportations restent atones.

Pour y remédier, il préconise une loi de finances orientée vers le soutien au pouvoir d’achat, à l’agriculture, au tourisme et aux transferts des Tunisiens résidant à l’étranger. Une de ses propositions phares consiste à affecter une partie des emprunts directs de la Banque centrale à la STEG pour financer l’acquisition de panneaux photovoltaïques pour les ménages et les entreprises. Cette mesure, avance-t-il, permettrait de réduire les factures d’énergie, de freiner l’inflation et de renforcer la stabilité du dinar.

Des réformes symboliques et sociales nécessaires

Au-delà des mesures économiques, l’économiste a plaidé pour des réformes symboliques fortes. Il a ainsi appelé à la suppression du privilège de retraite anticipée pour les ministres, secrétaires d’État, chefs de gouvernement, gouverneurs et députés. « Servir la nation est une responsabilité, non une récompense », a-t-il affirmé, jugeant essentiel un alignement des régimes de retraite des responsables sur ceux des citoyens ordinaires pour rétablir la justice et soulager les caisses sociales.

Sur le front social, il a dénoncé la cherté des médicaments et la multiplication des fraps bancaires illégaux, appelant le Parlement à renforcer le contrôle sur la Banque centrale. Enfin, il a insisté sur la nécessité d’alléger progressivement la fiscalité pesant sur les pensions de retraite pour permettre aux aînés de vivre dignement.

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