Economie

L’euro, une force qui cache une faiblesse

La force récente de l’euro, qui frôle les 1,20 dollar, est-elle un feu de paille ou une tendance durable ? Cette question cruciale agite les états-majors de la Banque Centrale Européenne (BCE), comme en témoigne le compte-rendu de sa dernière réunion de politique monétaire en septembre. Alors que la majorité des banquiers centraux estiment que cette poussée de fièvre est temporaire, le débat reste vif sur ses causes et ses potentielles conséquences pour l’économie de la zone euro.

Une inquiétude majeure : compétitivité et inflation

La perspective d’un euro durablement fort au-dessus de 1,20 dollar fait peser une lourde menace sur les exportations européennes. Un euro cher rend en effet les produits de la zone euro plus onéreux sur les marchés internationaux, un risque que la BCE surveille de très près. L’impact des taux de change sur la dynamique inflationniste constitue une autre source de préoccupation pour les gardiens de l’euro.

Un phénomène cyclique ou un dollar faible ?

L’idée dominante au sein du Conseil des gouverneurs est que la récente appréciation relève davantage de phénomènes cycliques que d’un changement de fond. La principale explication avancée serait la faiblesse actuelle du dollar, plutôt qu’une santé insolente de l’économie européenne.

Cette analyse n’est pourtant pas partagée par tous. Le débat a été ouvertement nourri, selon le procès-verbal, révélant une diversité de points de vue sur la scène monétaire européenne.

L’alerte de l’économiste en chef

L’économiste en chef de la BCE, Philip Lane, a dressé un constat sans ambages devant l’assemblée. Il a identifié l’appréciation de l’euro au printemps comme l’un des « défis » majeurs pesant sur la demande extérieure adressée à la zone euro.

Les chiffres sont éloquents, par rapport aux prévisions de juin, l’euro s’est renforcé de 3,3 % face au dollar et de 2,3 % en termes nominaux pondérés par les échanges. Les projections de septembre tablaient même sur une appréciation cumulative de près de 6 % à l’horizon 2025. M. Lane s’est interrogé sur la capacité de l’économie à absorber le choc d’un euro fort, de droits de douane plus élevés et d’une concurrence accrue pour le reste de l’année.

Divergences autour de la table du Conseil

La discussion qui a suivi a mis en lumière plusieurs lignes de fracture. Un premier camp a minimisé la portée du mouvement, jugeant important de le « replacer dans une perspective plus large ». Pour ces membres, les récentes fluctuations s’apparentent plus à des soubresauts temporaires qu’à une tendance lourde. Ils estiment qu’un impact significatif sur les prix ne serait à craindre qu’en cas de nouvelle et forte appréciation, un scénario qu’ils jugent improbable. Selon cette analyse, la vigueur de l’euro a été largement portée par des opérations de couverture des investisseurs, réagissant à l’incertitude créée par les annonces de taxes douanières américaines en avril.

Toutefois, un autre son de cloche s’est fait entendre. Certains ont avancé que les perspectives plus positives pour l’économie de la zone euro avaient contribué à soutenir la monnaie. Un argument rapidement rejeté par d’autres, qui ont rappelé la croissance atone de la zone euro et les « vulnérabilités » multiples qui entourent ses perspectives.

Le spectre d’un nouveau renchérissement

Malgré le consensus de façade sur le caractère temporaire de l’appréciation, la BCE ne ferme pas la porte à un scénario où l’euro continuerait de grimper. Ce mouvement pourrait être alimenté par des anticipations croissantes d’un assouplissement monétaire de la part de la Réserve Fédérale américaine.

En définitive, pour une frange influente des décideurs, la performance de l’euro s’explique moins par la force de l’Europe que par les fondamentaux dégradés de l’économie américaine, entraînant le dollar à la baisse. La BCE se trouve ainsi dans une vigie attentive, scrutant une monnaie unique dont les fluctuations dépendent largement de facteurs extérieurs, mais dont les conséquences sont profondément ancrées dans le tissu économique européen.

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