La Tunisie face au défi de capter la valeur ajoutée de son huile d’olive
Alors que la prochaine saison oléicole s’annonce prometteuse, l’expert agricole Faouzi Zayani a lancé un appel à la vigilance et à la stratégie, mercredi 8 octobre, dans une radio. Le spécialiste a dressé un bilan sans concession de la campagne précédente, qualifiée de « catastrophique » pour les oléiculteurs, avant d’esquisser les pistes pour éviter un nouveau scénario du même ordre.
M. Zayani n’a pas mâché ses mots pour décrire la saison écoulée, où l’agriculteur s’est retrouvé « grand perdant » de toute la chaîne de valeur. Au-delà des fluctuations des cours internationaux, il a pointé du doigt une responsabilité interne : « Au niveau interne, nous n’avons rien fait pour améliorer la situation », a-t-il déploré, appelant décideurs et professionnels à en tirer toutes les conséquences.
Stimuler la consommation locale : un impératif national
Face à ce constat, l’expert avance une proposition phare : la mise en place d’une stratégie nationale ambitieuse pour booster la consommation tunisienne d’huile d’olive. Il a rappelé un plafond structurel : « Le consommateur tunisien ne peut pas dépasser une consommation de 40 000 tonnes », même lorsque les prix sont bas. L’objectif serait de porter cette consommation à 100 000 tonnes.
Un tel effort, selon lui, aurait un double bénéfice : « Un impact positif sur la santé collective des Tunisiens » et, par ricochet, « un allègement des dépenses pour les caisses sociales », grâce aux vertus médicinales reconnues de l’or vert tunisien.
Exporter mieux, au-delà des intermédiaires
Sur le front des exportations, les prévisions initiales tablent sur une production de 500 000 tonnes. En soustrayant l’objectif de consommation nationale (100 000 tonnes), il resterait 400 000 tonnes à écouler à l’international. La clé, pour M. Zayani, est de le faire « dans les meilleures conditions, afin d’en tirer le maximum de revenus ».
Il a fustigé le modèle actuel, où la Tunisie vend près de 60% de sa production en vrac à ses concurrents européens (Espagne, Italie, Grèce). « 90 % de cette production vendue en vrac est utilisée par nos concurrents pour effectuer le coupage de leur propre production, puis revendue à des prix beaucoup plus élevés », a-t-il expliqué. Ce sont donc eux qui captent la plus grande partie de la valeur ajoutée.
L’expert a également regretté l’absence flagrante des huiles tunisiennes sur des marchés pourtant porteurs, comme les pays arabes ou le Brésil, où la Tunisie bénéficie pourtant d’une exonération totale de taxes. « Même physiquement, nous ne sommes pas présents ; nous n’avons même pas investi dans un organe de promotion dans ces pays », a-t-il souligné, s’interrogeant sur l’inaction face aux marchés africains affichant des croissances à deux chiffres.
Une conjoncture mondiale favorable à saisir
Concernant les prix pour la campagne à venir, M. Zayani a indiqué qu’ils ne se fixeront qu’à la dernière minute, au début de la récolte. Cependant, le contexte mondial est jugé très favorable : le marché souffre d’un déficit d’offre par rapport à la demande, particulièrement pour l’huile extra-vierge, dont le prix a déjà grimpé d’environ 15%. « La demande internationale sera, selon les prévisions, supérieure de 10 % à la production », a-t-il précisé.
Avec environ 18% de la production mondiale, la Tunisie est en position de force. « Nous sommes, en principe, dans une tendance à la hausse du prix de l’huile d’olive », a conclu l’expert, insistant pour que ces données se traduisent par des gains concrets pour les producteurs locaux. Il a enfin appelé à une « intervention imminente des autorités » sur le volet crucial du financement, jugeant nécessaire une « décision radicale et majeure » pour soutenir la filière.