Gabes : les promesses brisées d’un dégroupement qui n’arrive jamais ! (Vidéo)
Depuis 1972 et l’installation de sa première unité de production d’acide phosphorique, le complexe chimique Chatt Essalem de Gabès n’a cessé d’étendre son emprise toxique. Implanté en plein cœur des zones urbaines, ce regroupement industriel, que les riverains qualifient « d’intoxication », devait être démantelé en 2017. « Un engagement resté lettre morte » déclare, Firas Nasfi un activiste environnemental dans une interview accordée à L’Echo Tunisien. Bien au contraire, le site, qui fédère aujourd’hui plus d’une douze sociétés, poursuit son expansion avec un objectif affiché : porter sa capacité de transformation à près de 3,5 millions de tonnes par an, soit plus de la moitié de la production nationale de phosphates. Une contamination persistante de l’écosystème méditerranéen et une santé publique sacrifiée sur l’autel de la croissance. Une facture sanitaire, environnementale et humaine, dont le montant ne cesse de s’alourdir.
Une production toxique hors de contrôle
« Nous sommes aujourd’hui dans une situation horrible », alerte Firas Nasfi.
Chaque année, ce sont plus de 10 000 tonnes de phosphogypse, chargées de métaux lourds et de substances radioactives, qui sont déversées directement dans le golfe de Gabès, asphyxiant la vie marine et menaçant la santé des populations côtières. Dans le même temps, le complexe émet dans l’air des rejets gazeux qualifiés de « dangereux » par les experts, contenant des gaz à effet de serre incontrôlables et présentant même des risques d’explosion. « Ils ne peuvent pas maîtriser ces émissions », déplore Nasfi, pointant l’incapacité persistante des autorités et des industriels à contrôler l’impact environnemental du site.
Urgence sanitaire et sociale
Le tribut sanitaire est tout aussi accablant. « Mensuellement, des vies sont brisées par des suffocations, des cancers, ou pire, des décès. », témoigne Firas Nasfi, dressant le constat glaçant d’une urgence de santé publique.
La situation a atteint un seuil si critique que l’inimaginable s’est produit : la fermeture temporaire d’écoles, les enfants, plus fragiles, étant rendus particulièrement vulnérables aux affections respiratoires. Dans un déni flagrant face à cette réalité, les autorités persistent à promouvoir Gabès comme « la meilleure destination touristique », une promotion cynique qui résonne en cruel paradoxe avec le simple droit revendiqué par les habitants : « respirer un air pur et vivre une vie digne et sans danger ».
Une mobilisation citoyenne ignorée
Malgré les engagements officiels de dégroupement et les multiples alertes de la société civile, l’activité industrielle se poursuit sans relâche, tout comme ses rejets toxiques.
Gabès incarne ainsi le dilemme tunisien entre une industrie phosphatière stratégique et le respect des droits fondamentaux à la santé et à un environnement sain. « Notre demande est pourtant simple », insiste Firas Nasfi, résumant un combat devenu symbole : « C’est notre droit le plus élémentaire en tant qu’êtres humains». Un droit constamment bafoué depuis un demi-siècle, dans une indifférence qui interroge la primauté du développement économique sur la dignité humaine.