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Cuir : 80% des fabricants de chaussures menacés de disparition

Le secteur de la chaussure en Tunisie tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme. Réunis récemment à l’initiative de la Fédération nationale du cuir et chaussures, les professionnels ont exprimé leur profond désarroi face à un environnement économique qu’ils jugent « étouffant » et à l’application défaillante des textes protecteurs de la production locale.

La récurrence des mêmes constats amers a teinté les débats d’un sentiment d’urgence. Les intervenants ont dénoncé avec véhémence une concurrence déloyale multiforme, pointant du doigt un marché envahi par la contrebande et les articles de seconde main, pourtant prohibés par la loi. Cette situation, selon eux, hypothèque gravement l’avenir d’une filière jadis prospère.

Une filière asphyxiée par la concurrence illicite

M. Akram Belhaj, président de la Fédération, a dressé un tableau sombre de l’état du secteur. Il a rappelé le passé compétitif de cette industrie, aujourd’hui « anéantie » par plusieurs facteurs, au premier rang desquels la non-application des lois destinées à protéger le marché des importations illégales et « non conformes aux normes ». Cette défaillance aurait contraint de nombreux fabricants à mettre la clé sous la porte.

Le marché incontrôlé de la fripe, dont la vente de chaussures est interdite, a également été fustigé, représentant une concurrence déloyale qui échappe à toute régulation.

Des charges écrasantes et des contrôles contestés

M. Khemaïs Mitatou, président de la Chambre nationale des fabricants de chaussures, a dénoncé « l’abondance de mesures juridiques » qui sembleraient cibler spécifiquement le fabricant tunisien. Il a évoqué des contrôles « parfois abusifs » qui entraveraient l’activité des professionnels, appelant à leur encadrement.

Le problème de la fiscalité a également été soulevé. Les matières premières de l’industrie sont lourdement taxées, alourdissant les charges des petites entreprises et des artisans. Paradoxalement, le produit fini importé bénéficierait d’un régime fiscal bien plus avantageux.

« Nous étions l’un des meilleurs producteurs du bassin méditerranéen. Nous avons hérité ce savoir-faire de père en fils. Aujourd’hui, nous avons l’impression que ces mesures sont faites contre les petits producteurs, qui représentent 80% du secteur », a déploré M. Mitatou, lançant un appel aux autorités pour un soutien concret.

Un vétéran du secteur, présent depuis les années 70, a abondé dans ce sens, affirmant que « le marché de la chaussure agonise » sous le poids des charges et l’inefficacité des lois protectrices.

Les autorités reconnaissent des efforts insuffisants

Face à ce constat sévère, la représentante du ministère du Commerce, Mme Saloua Fatnassi, a concédé que les efforts déployés par son département restaient « insuffisants » au regard des défis exposés. Elle a néanmoins rappelé les contrôles techniques et documentaires appliqués aux importations réglementaires, tout en admettant que ces derniers étaient en cours de révision pour mieux vérifier l’authenticité des documents, notamment l’origine des produits.

Le directeur général des Douanes, M. Mohamed Hedi Safer, a réaffirmé l’engagement de ses services à lutter contre les activités illégales. Tout en reconnaissant la persistance des problèmes soulevés lors de multiples réunions similaires, il a assuré que la Douane ne ménageait pas ses efforts. Il a évoqué un « bombardement de marchandises » en provenance de l’étranger, nécessitant le développement continu de méthodes de contrôle plus efficaces.

Malgré ces assurances, la colère et le désespoir des professionnels semblent persister, laissant planer le doute sur la capacité des pouvoirs publics à endiguer une crise qui mine durablement l’un des fleurons de l’artisanat tunisien.

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