Bruxelles prévoit de faire contribuer les Big Tech au financement des réseaux télécoms
Les opérateurs télécoms font du lobbying depuis des années pour que Netflix et les GAFA participent davantage aux coûts des infrastructures de réseau. Le commissaire européen au Marché Intérieur Thierry Breton affirme que le principe est acquis. Un projet de texte législatif pourrait voir le jour en fin d’année.
La Commission européenne a entendu les opérateurs télécoms. Quitte à jouer les gros bras face aux Big Tech, autant y aller à fond. Thierry Breton, commissaire européen au Marché intérieur et au Numérique, a indiqué aux Echos que le principe d’une « contribution équitable » des acteurs du marché bénéficiant de la transformation numérique aux coûts des infrastructures télécoms était « acquis« . « Les règles en place depuis vingt ans arrivent à bout de souffle et les opérateurs n’ont aujourd’hui plus le juste retour sur leurs investissements. Il faut réorganiser la juste rémunération des réseaux », expose-t-il.
PLUS DE LA MOITIÉ DU TRAFIC VIENT DE LA VIDÉO
Les opérateurs télécoms réclament depuis des années que les plus gros consommateurs de bande passante participent au financement des réseaux. Lundi 2 mai, le lobby européen des télécoms, l’Etno, a publié un nouveau rapport à l’appui de ses arguments. L’association souligne que la vidéo représentait 54% du trafic (d’après une étude de Sandvine) au premier semestre 2021, et que cela pourrait coûter 15 à 36 milliards d’euros par an aux opérateurs européens (selon une étude de Frontier).
« Les opérateurs télécom ne sont pas en position de négocier des accords commerciaux équitables concernant l’utilisation croissante de leurs réseaux par les principaux fournisseurs de vidéo en direct : leurs offres sont devenues indispensables aux consommateurs ; leur pouvoir de marché s’est profondément ancré ; et il n’y a aucun mécanisme de régulation pour apporter une concurrence plus loyale. Cette situation mine la capacité de nombreux opérateurs à dégager un retour sur investissement viable, et pourrait menacer les objectifs de la Commission européenne relatifs à la ‘Décennie Numérique' », déclare l’Etno, qui propose un cadre européen pour les accords d’interconnexion entre les plus gros opérateurs de vidéo et les fournisseurs d’accès internet.
ENCADRER LES ACCORDS DE PEERING
Selon l’association, une participation de 20 milliards d’euros par an des plateformes de streaming au dimensionnement des réseaux télécoms en Europe générerait 72 milliards d’euros de PIB supplémentaire d’ici 2025, et jusqu’à 840 000 créations d’emplois par an. Des assertions évidemment impossibles à vérifier.
« Il est spécieux de conclure que le déficit d’investissement des opérateurs télécom est causé par les services qui stimulent la demande de connectivité », répond le lobby des géants de l’internet, la Computer & Communications Industry Association. Céder à leurs demandes « reviendrait à permettre aux fournisseurs d’énergie de taxer les fabricants d’électroménager pour l’énergie consommée par les machines à laver, alors que les consommateurs paient déjà pour l’électricité dépensée pour faire leur lessive ».
« Avec le DSA et le DMA, on a revu l’organisation de l’espace informationnel. Nous allons maintenant compléter en revoyant son sous-jacent, l’architecture sur lequel il repose », prévient Thierry Breton. D’après Les Echos, un texte législatif devrait être présenté fin 2022.
Source : Usine Digital