Economie

Accord UE-Tunisie : Un partenariat à réinventer ?

Près de trois décennies après sa signature, l’accord d’association entre la Tunisie et l’Union européenne (UE) montre des signes d’essoufflement évidents. Conclu en 1995 dans un contexte de mondialisation triomphante, ce cadre apparaît aujourd’hui inadapté aux réalités économiques du XXIe siècle, marquées par les ruptures des chaînes de valeur, les crises géopolitiques et l’impératif écologique.

Si cet accord a historiquement offert un accès privilégié au marché européen, il a, dans le même temps, cantonné l’économie tunisienne dans un rôle qui limite sa diversification et son ascension dans la chaîne de valeur. La nécessité d’une modernisation n’est plus un débat d’experts, mais une urgence économique pour la Tunisie, un constat que l’UE commence elle-même à partager. L’enjeu est de corriger des déséquilibres structurels qui se sont accentués avec le temps.

Textile et huile d’olive : Des avantages comparatifs en péril

L’analyse sectorielle révèle l’ampleur du décalage. Le textile, pourvoyeur de dizaines de milliers d’emplois, est fragilisé non par son manque de compétitivité, mais par la multiplication des accords de libre-échange que l’UE signe avec des pays concurrents. Ces derniers bénéficient souvent de coûts énergétiques subventionnés ou de réglementations plus souples, réduisant à néant les préférences tarifaires tunisiennes.

De même, le secteur de l’huile d’olive, fleuron national et reconnu pour sa qualité, se heurte à des quotas d’exportation obsolètes. Ces contingents ne reflètent ni le potentiel productif de la Tunisie, ni la demande réelle du marché européen, freinant ainsi la croissance d’une filière stratégique.

Le choc climatique : L’ajustement carbone, une menace pour l’industrie

La future application du Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF) de l’UE, prévue pour 2026, illustre de manière criante l’inadéquation de l’actuel accord. Bien que justifié par des objectifs climatiques, ce mécanisme imposera un coût supplémentaire aux exportations tunisiennes à forte intensité carbone, telles que le ciment, l’acier ou l’aluminium.

Sans un accompagnement technologique et financier intégré à un nouvel accord, le MACF pourrait porter un coup sévère à la compétitivité de secteurs industriels déjà sous tension. La Tunisie ne peut, seule, assumer le coût d’une transition industrielle bas-carbone aussi rapide que radicale.

Vers un nouveau partenariat stratégique

La simple révision de l’accord de 1995 ne suffit plus. La Tunisie du XXIe siècle exige un partenariat refondé, équitable et tourné vers l’avenir. Un cadre qui reconnaisse son rôle pivot dans la stabilité des chaînes de valeur euro-méditerranéennes, qui encourage une montée en gamme réelle et qui facilite l’accès à des financements verts pour une transition juste.

Il ne s’agit pas d’une faveur, mais d’un investissement mutuel dans une relation stratégique dont la Méditerranée a plus que jamais besoin. L’Europe a pris acte de cette nécessité. Reste à voir si elle saura la transformer en engagements concrets, alignés sur les ambitions et les défis de la Tunisie contemporaine.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *