Economie

Le coût de la rente, 5% de productivité et 50 000 emplois perdus par an

L’économie tunisienne est durablement entravée par la prédominance d’une économie de rente qui asphyxie son potentiel de croissance et de création d’emplois. C’est le constat sans appel dressé par l’Institut Tunisien des Études Stratégiques (ITES) dans une note récente consacrée à la lutte contre ce phénomène.

Selon l’institut, plus de 50% des secteurs économiques du pays sont verrouillés par des restrictions à l’entrée, étouffant dans l’œuf toute velléité de concurrence et décourageant l’initiative entrepreneuriale. Cette situation se solde, estime l’ITES, par une perte annuelle de 5% de productivité et un déficit criant de 50 000 emplois non créés chaque année.

Une captation de richesses aux lourdes conséquences

Le mécanisme de la rente est clairement identifié, il s’agit d’une captation des richesses nationale par des groupes privilégiés, bénéficiant de monopoles, de licences d’importation, de subventions ciblées, de crédits à taux préférentiels ou protégés par des barrières administratives complexes.

« La rente détourne la richesse nationale vers des groupes minoritaires aux dépens de la majorité », dénonce le document. Les conséquences sont multiples et graves : concurrence faussée, investissement productif atone, innovation entravée, distorsions de marché et creusement des inégalités sociales.

Sans une action résolue pour enrayer ce système, l’ITES prédit une aggravation des inégalités, un affaiblissement de l’innovation, une défection des investisseurs privés, une polarisation du marché du travail et le maintien d’une croissance anémique.

Un vaste chantier de réformes pour une économie saine et inclusive

Face à ce diagnostic sévère, l’Institut propose une feuille de route ambitieuse articulée autour de plusieurs axes prioritaires.

La pierre angulaire de cette stratégie est le renforcement de la concurrence. L’ITES préconise de consolider l’indépendance du Conseil de la Concurrence, de réviser les régulations sectorières pour éliminer les protections excessives et d’interdire toute exemption aux lois anti-cartels.

Pour garantir des marchés « contestables », l’Institut recommande de simplifier l’accès aux concessions et licences, de faciliter le financement des PME et des start-ups, et d’instaurer une transparence absolue dans les appels d’offres publics, en luttant par des audits indépendants contre le clientélisme.

Réformes fiscale, bancaire et administrative au programme

Une refonte en profondeur du système fiscal est également jugée nécessaire pour rétablir l’équité. Cela passerait par la suppression des niches fiscales injustifiées, un renforcement de la progressivité de l’impôt et une lutte accrue contre l’évasion, grâce à la digitalisation des données.

L’accent doit être mis sur une politique d’investissement tournée vers la valeur ajoutée, avec un cadre réglementaire unifié et simplifié, et un guichet unique dématérialisé pour accélérer la création d’entreprises.

La bonne gouvernance et la transparence sont érigées en impératifs, via la création d’un portail open data et la publication régulière des bénéficiaires de marchés publics.

Enfin, l’ITES insiste sur la nécessité de réformes complémentaires du système bancaire, de l’administration, du foncier et du capital humain, pour éradiquer les rentes à tous les niveaux.

Une volonté politique constante, clé du succès

L’Institut, placé sous la tutelle de la Présidence de la République, souligne que la lutte contre l’économie de rente est un « chantier majeur et complexe ». Son succès, conclut-il, « dépendra non seulement des réformes techniques, mais aussi d’une volonté politique constante et partagée » entre l’État, le secteur privé, la société civile et les partenaires internationaux.

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