Rapport BCT : L’État, premier client des banques tunisiennes en 2024
TUNIS – La Banque Centrale de Tunisie (BCT) a dévoilé la 14ème édition de son rapport annuel sur la supervision bancaire, consacré à l’exercice 2024. Ce document dresse un état des lieux détaillé de l’activité et de la santé financière des établissements bancaires et financiers, dans un contexte économique national et international toujours aussi tendu.
Une solidité financière préservée
Malgré un environnement économique difficile, marqué par une hausse des créances douteuses, le secteur bancaire a su renforcer ses fondamentaux. Les efforts de mobilisation de l’épargne et de financement de l’économie se sont poursuivis, de même que le soutien apporté à l’État et aux entreprises publiques. Grâce aux mesures prudentielles proactives de la BCT – notamment concernant la distribution des dividendes et le provisionnement des risques latents –, les ratios de solvabilité et de liquidité se sont encore consolidés. L’ancrage des bonnes pratiques de gouvernance et de gestion des risques a également contribué à cette robustesse.
Crédit : un ralentissement et un changement de cap
L’année 2024 a été marquée par un net ralentissement de la dynamique du crédit, qui n’a progressé que de 2,8%, pour atteindre un encours de 118,6 milliards de dinars. Cette faible croissance masque des évolutions contrastées. Les crédits aux entreprises publiques ont connu une forte accélération, leur part passant de 8,3% en 2023 à 9,5% en 2024. En revanche, les crédits aux entreprises privées ont stagné, affichant une timide progression de 1,5%, identique à celle de l’année précédente. La contribution du secteur privé à la croissance des crédits professionnels est ainsi tombée à 38%, contre 54,5% en 2023.
Du côté des ménages, l’endettement a atteint 29,407 milliards de dinars, soit une hausse de seulement 2,3% (contre 3,1% en 2023). Ce ralentissement s’explique principalement par l’essoufflement des crédits à l’habitat, dont la croissance est tombée à 0,8% en 2024. Leur part dans l’évolution des crédits aux particuliers a chuté à 14,9%, contre 48,1% en 2023.
Les finances publiques : un déficit en baisse, mais un financement intérieur accru
La situation des finances publiques a enregistré une amélioration avec un déficit budgétaire ramené à 6% du PIB, contre 7,6% en 2023. Pour le financer, l’État a toutefois dû massivement recourir aux ressources intérieures, dans un contexte de difficultés persistantes à mobiliser des financements extérieurs. Le Trésor a ainsi levé 19,9 milliards de dinars sur le marché local (bons du Trésor et emprunt obligataire), auxquels s’ajoutent un prêt syndiqué en devises de 570 millions de dinars et une facilité de 6,7 milliards de dinars accordée par la BCT.
Conséquence de cette stratégie, l’encours des financements bancaires à l’Administration et aux entreprises publiques a bondi pour s’établir à 43 milliards de dinars fin 2024, représentant ainsi 27,4% du total des actifs nets des banques, contre 24% un an plus tôt. Malgré cette hausse des besoins publics, les interventions de la BCT sur le marché monétaire ont, elles, significativement diminué, le volume de refinancement reculant de 14,3% à 13,1 milliards de dinars.
Secteur extérieur : des indicateurs en nette amélioration
Le déficit courant s’est sensiblement résorbé pour s’établir à 1,5% du PIB en 2024, après 2,2% en 2023. Cette performance est principalement portée par la vigueur des revenus du travail (9,8 milliards de dinars) et des recettes touristiques (7,5 milliards de dinars). Cette amélioration a permis de compenser l’aggravation du déficit commercial, qui a atteint 18,9 milliards de dinars, en raison de l’élargissement du déficit énergétique à 10,9 milliards de dinars.
Cette bonne tenue de la balance courante a consolidé les avoirs extérieurs nets, qui se sont chiffrés à 27 332 millions de dinars fin 2024, couvrant 121 jours d’importation.
Perspectives : vigilance et transition verte
Face à ces enjeux, le Comité de Surveillance Macro-prudentielle et de Gestion des Crises Financières (CSM), réuni en novembre 2024, a convenu de poursuivre sa veille active pour contenir les risques systémiques et préserver la stabilité financière. La coordination des initiatives pour « verdir » le secteur financier figure également parmi ses priorités.
Ce rapport souligne la résilience du secteur bancaire tunisien, mais aussi le défi du ralentissement du crédit au secteur privé et aux ménages, reflet d’une économie toujours en quête d’un souffle plus robuste.

