Culture et arts

«Papillon d’or», film d’Abdelhamid Bouchnaq : L’utopie d’un lieu magique (IV)

«Papillon d’or» est un monde magique où le jeu des acteurs est pertinemment doublé de lieux filmiques déterminés de leur part comme des acteurs révélateurs d’une certaine capacité signifiante. Ces lieux sont essentiellement figurés en non-lieux afin de transmettre leur impact psychique au spectateur, et c’est l’agilité émotionnelle de celui-ci qui sera profondément mise à l’épreuve pour déceler le contenu psychique de ces lieux.

Déterminés comme un signifiant imaginaire, ces lieux acteurs divulguent leur propension sémiotique et renforcent l’impression de réalité. Le film nous délivre au sein d’un rêve enfantin, nous sollicitant à mieux vérifier la nature psychique de l’être humain que nous sommes. Entre réalité et magie, figure un lieu utopique régénérateur d’une enfance volée et d’un bonheur manqué.
La deuxième partie du film figure un monde utopique entremêlé entre réalité et magie, suscitant sensation et entendement. Dans ce monde, l’auteur du film semble bien réussir à dresser le bon profil d’un spectateur actif dont l’amplitude imageante est astucieusement prolifique. Ce monde est sciemment interprété par Jean Mitry comme ce qui :

«Suscite l’extase, devient extase. L’individu éprouve de nouveau ; il reconnaît. Et dans une connaissance nouvelle qui est plus parfaite que la connaissance immédiate puisqu’elle est la synthèse, incluse en un moment fugitif, de toutes les connaissances préalables relatives à l’objet représenté. Elle est une prise de conscience plus totale, plus pure».

Là, il s’agit d’un monde utopique égalant une nouvelle prise de conscience de la réalité. Ce monde est disposé comme un spectacle capable d’invoquer une réalité à la foi différente et semblable, une réalité issue d’un monde qui, sans être totalement différent du nôtre, se présente en tant qu’adjonction imaginaire, parfaitement vraisemblable. Ce monde magique est considéré à l’image de cette conjonction imaginaire qui se trouve la mieux capable à élaborer cette sorte d’évasion momentanée, Clément Rosset la déploie comme tel :

«L’évasion la plus bénéfique n’est pas tant d’échapper à la réalité que d’évoluer à l’aise dans une réalité parallèle et pour ainsi dire jumelle. Il n’est pas de meilleure distraction au monde que d’y rester, en changeant seulement et imperceptiblement de temps et de lieu. On ne quitte jamais si bien le monde que lorsqu’on y demeure en pensée, troquant l’imagination du réel contre celle d’un réel qui lui est en tout point comparable».

Certes, le film est une évasion utopique, non seulement en suscitant l’imaginaire du spectateur mais certainement parce qu’il se fournit en totalité comme un «signifiant imaginaire». Cette formule que nous empruntons à Christian Metz nous sera plus décelable dans ce que «Papillon d’or» dégage comme potentialités imaginaires des personnages et des lieux, en tant que signifiants fonctionnant dans le territoire de l’imaginaire. Le contexte du réalisme magique dans le film va nous permettre de considérer ces signifiants selon ce que nous venons de voir précédemment comme une préalable appréhension sémiologique avec ce que cela suppose de sémiotisation psychanalytique.

Dans «Papillon d’or», l’impression de réalité est déterminée par ce que l’espace se trouve investi dans le style du réalisme magique, et de ce que ce style se trouve figurable comme un monde à construire dans l’imaginaire du spectateur. Le film nous délivre au sein d’un rêve enfantin auquel nous nous référons pour vérifier la nature psychique de l’être humain que nous sommes. En fait, rien n’est équivalent à ce va et vient entre réalité et magie pour figurer un lieu utopique régénérateur d’un pareil processus d’introspection si nécessaire pour une plausible configuration psychosociale des enfants manqués que nous sommes.

Ayant réussi à concevoir des lieux et des corps à l’image de signifiants imaginaires, «Papillon d’or» s’assigne comme un fait culturel, et s’envisage, outre sa vocation artistique si caractéristique du cinéma d’auteur, comme un objet mémoriel, empreinte figurée de notre réalité sociale. Il se détermine dans le contexte du cinéma tunisien qui nous permet de scruter encore et encore notre personnalité tunisienne.

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