Culture et arts

Abdelkarim Basti : « Il faut oser le changement ! »

Abdelkarim Basti est un artiste et musicien tunisien qui assure la production d’œuvres musicales, théâtrales et cinématographiques. Il est particulièrement connu pour ses spectacles “Ezzarda 1 et 2”, “Zabarjad”, “Tarikhouhona” etc.

Des années après “Ezzarda 1” vous avez décidé de revenir en scène avec Ezzarda 2, dans le cadre de la continuité et du dépoussiérage du patrimoine culturel. 
Qu’est ce qui a changé entre EZZARDA 1 et EZZARDA 2 ? Sur le plan personnel et sur le plan du spectacle ?

Je suis un homme de terrain et de scène donc j’aime me produire sur scène et enchanter le public. Aujourd’hui, une grande partie des spectateurs trouvent leur bonheur dans des contenus inappropriés et même vulgaires.

Concernant la différence entre Ezzarda 1 et Ezzarda 2. La première version était un grand rêve, on l’a basé sur un scénario. Nous avons souhaité transmettre une histoire. Sa particularité est que nous avons rassemblé 130 artistes tunisiens avec 7 styles de musique différents en un seul et unique travail, en passant du Mezoued tunisien à la Gasba, au Stambali puis la Soulamia, la Aissaouia etc. à. Et ce n’est pas facile ni donné. Dans nos spectacles, tout doit être calculé et le spectateur doit comprendre l’histoire derrière chaque partie présentée. Les spectacles actuels présentent presque le même contenu sans faire des efforts en recherche.

Il faut oser le changement et créer de nouveaux contenus !

Abdelkarim Basti

Et concernant la comparaison avec “Nouba” et “Hadhra” ?

Avec tous mes respects, mais ça n’a rien à voir. “Nouba” a débuté en 1991.
Ce qui m’a poussé à présenter le spectacle Ezzarda 1, en 1995, 1996 et 1998, est le contenu présenté par “Nouba”. En effet, ils ont rassemblé des chanteurs connus et inconnus avec un grand nombre de musiciens. Ils se sont relayés sur scène pour chanter des chansons normales qui sont loin d’être “Nouba” et voilà ! Bien que le travail manquait de recherches et de contenus pertinents, je dirai qu’ils ont bien gagné la partie sur le plan commercial.

Malheureusement en Tunisie, j’ai essayé de créer un vrai contenu culturel et ça n’a pas eu l’ampleur dont il méritait. La raison pour laquelle nous avons arrêté le spectacle à un moment donné. Puis nous l’avons repris dans sa deuxième version. En réalité, il n’y a pas de grands changements. Par contre, ce que je souhaite vraiment c’est de documenter le travail. Et là je m’adresse à la Télévision Nationale, “venez filmer ce travail, je vous l’offre gratuitement, venez filmer pour laisser une trace aux futures générations”, ça serait au moins un moyen d’exposer mon travail.

Vous faites partie des producteurs tunisiens qui continuent d’insister sur le fait que le travail culturel ne peut pas être transformé en commercial
Que pensez-vous du travail culturel que vous voyez en ce moment ?

Plein d’artistes utilisent des propos vulgaires pour réussir à vendre leur spectacle. Mais ceci est temporaire, je vous assure que ça ne va pas continuer comme ça. Les artistes c’est eux qui créent leur produits, soit ils restent professionnels et gardent un contenu cohérent et respectueux sinon nous allons assister à des spectacles de bas niveau. Nous avons tous cette responsabilité pour protéger notre patrimoine culturel. Et les médias ont un rôle primordial dans cette démarche.

La ruée des directeurs des festivals vers “Ezzarda 2” s’explique par le succès qu’a connu ce spectacle à l’échelle nationale et même internationale, lors de sa présentation en France, au Maroc et en Algérie etc.

Effectivement, nous avons participé avec Ezzarda 2 au début de son lancement. Nous avons eu des spectacles extraordinaires à l’international. Malheureusement en Tunisie ça n’a pas vraiment fonctionné alors que nous avons travaillé avec de grandes vedettes de la chanson tunisienne. Après je suis un artiste qui crée un contenu de haut niveau, avec une vraie valeur ajoutée au public. Donc libres aux grands festivals tunisiens de voir s’ils veulent inclure le spectacle ou pas.

« Tarikhouhona » ?

C’est un grand spectacle musical et opératique, qui parle des femmes qui ont laissé leur empreinte dans le pays jusqu’à aujourd’hui, allant de Aziza Othmana, à Saïda Manoubia jusqu’à Ons Jabeur etc. Des artistes excellents y ont participé. “Tarikhouhona” était un énorme travail, soutenu par le ministère des affaires culturelles.
Malheureusement, ils n’ont pas accordé de la valeur au travail. Malgré cela, j’ai toujours de l’espoir que tout redevienne comme avant et que tous les vrais artistes soient plus valorisés.

J’aimerai aussi profiter pour discuter de la journée de la femme en Tunisie, le 13 août. “Tarikhouhona” était le meilleur spectacle pour symboliser et mettre en valeur les femmes tunisiennes, ça aurait été une excellente opportunité pour le jour de la femme, mais dommage que je n’ai pas eu cette chance. Je tiens à rajouter que j’ai 18 chansons sur la femme tunisienne qui sont toutes de nouvelles créations et que personne ne connait.

Parlons de “ Zabarjad ”

C’est un contenu 100% soufi. Pour moi c’était un défi. Les morceaux musicaux que nous avons présenté étaient une première du style soufi sur toute la Tunisie qui englobent des chorégraphies entières. Des grands artistes hommes et femmes très talentueux étaient présents. Une vraie création. Que du bonheur et d’émotion dans ce spectacle. Le public était enchanté et l’ambiance agréable. J’espère que nous allons continuer à le présenter sur scène.  

Comment avez-vous vécu la pandémie de la Covid 19 ?

Nous avons tous vécu les mêmes conséquences de la Covid 19, on ne fait pas exception. il y a eu sûrement des annulations de spectacles, mais nous avons continué à travailler sans cesse en ligne. Heureusement que maintenant la situation s’est améliorée. Nous avons des travaux en cours de préparation, dont vous allez entendre parler prochainement.

Comment est née l’idée de “Hafla aala ghafla” ? 

Pour commencer “Hafla aala ghafla” est une histoire, de l’humour de vieilles chansons des années 20. Des chansons représentées par des bonnes paroles. C’est l’histoire d’un groupe de personnes qui étaient réunis et qui ont décidé de faire une fête à l’imprévu comme son nom l’indique “Hafla aala ghafla”. C’est comme ça que l’idée est née. C’était une belle histoire avec de beaux costumes pour les personnages. C’était un travail que nous avons présenté en 2004 et qui était soutenu par le ministère des affaires culturelles.
Nous avons présenté une quarantaine de spectacles. Nous avons souhaité reproduire la Tunisie des années 20, là où tout était pur et beau à voir, entre l’amour dans ces années et la façon de vivre. L’époque des grands parents et des arrières grands parents, leur manière de vivre en toute élégance. Tout cela s’est traduit dans un travail intitulé “Hafla aala ghafla”. Ce travail est très original et reste toujours valable. Il se peut qu’on décide de relancer cette œuvre dans l’avenir.

Les opinions exprimées dans cette interview n’engagent que l’artiste.

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